Afficher On pense avec les pieds sur une carte plus grande

dimanche 10 mai 2020

Merci messieurs, c'était très bien!

A la veille du déconfinement, et en attendant la 2e vague promise depuis-des-mois-mais-Soeur-Anne-ne-voit-jamais-rien-venir, quelques premiers éléments de bilan à propos de cette crise. D'abord, Comment allez-vous? Très bien, merci, comme vous voyez!...





Emergence de la maladie

Après l'apparition des premiers éléments (Chauve-souris => Pangolin => marchés de Wuhan) ont été émises des hypothèses impliquant le laboratoire P4 de Wuhan.
  • les connaissances sur l'origine du virus étaient alors très limitées, et pour cause, et il m'a semblé inutile de creuser de sujet, qui d'ailleurs peut donner des informations intéressantes après la crise pour limiter le risque que cela se reproduise, mais pour gérer la crise en question, je ne voyais pas bien... Donc : "Laissons avancer les choses, et on garde ce sujet pour après."
  • en revanche, la manière employée par les médias d'une part, et les scientifiques qui sont intervenus dans ce débat d'autre part, pour éliminer ces "élucubrations complotistes" m'a dérangé tout de suite. L'emploi du taser idéologique "théorie du complot" est l'une des dernières armes médiatiques contre les "réseaux sociaux" (c'est-à-dire les gens qui pensent et qui s'expriment, ce qui est "normalement" réservé au monde médiatique). Cette épidémie médiatique est certainement encore dans sa phase exponentielle, mais un jour elle s'effondrera d'elle-même.
  • Principe de base : plus une hypothèse avancée paraît "extraordinaire", plus c'est à la personne qui l'avance d'en fournir les preuves. 
  • Exemple : "Je pense qu'il y a une armée de Tigres du Bengale en orbite, armés jusqu'aux dents, et qui attend le bon moment pour envahir la Terre et nous tuer tous." Ce n'est pas à vous de démontrer que j'ai tort (et je déconseille fortement de se lancer dans pareille entreprise), c'est à moi de prouver que j'ai raison. Ce faisant : vous ne risquez pas d'être contredit par quelque chose que vous n'aviez pas prévu (dans ce cas, on est d'accord, c'est peu probable), vous laissez une place à l'esprit critique et à l'ouverture d'esprit, vous me faîtes travailler moi (soit j'abandonne et mon hypothèse dépérira d'elle-même, soit je persiste et alors je progresserai dans mon analyse de la situation). En revanche, si vous vous chargez de prouver l'impossible, avec des arguments plus ou moins convaincants comme "il est impossible que des tigres soient en orbite", vous n'êtes pas à l'abri qu'on déniche une photo en mauvaise lumière d'un Thomas Pesquet quelconque déguisé en tigre pour le carnaval, et qui pourrait alimenter mon hypothèse délirante. C'est entrer dans un jeu souvent inutile et absurde. Et entrer dans ce jeu semble pousser à l'utilisation d'arguments d'autorité, irrecevables, ou à jeter bébé avec l'eau du bain (théorie du complot = scepticisme = doute ; donc le doute est néfaste, la Science a raison, point). De mon point de vue, c'est très mauvais. 
  • Application à ce qui nous occupe : l'hypothèse d'une fuite, accidentelle ou non, d'un virus depuis le laboratoire de Wuhan est depuis le début plausible. Plausible ne veut pas dire probable, et encore moins certaine. La presse, en quelques semaines, est passée vis-à-vis de cette hypothèse de "élucubrations complotistes" à "il y a des problèmes avec les Chinois" puis à "hypothèse plausible". Sans qu'aucun élément nouveau ne soit apparu, si ce n'est les déclarations de l'administration américaine. C'est ridicule, et au vu de l'expérience (armes de destruction massive irakiennes pour ne prendre que cet exemple), j'aurai pour ma part plutôt tendance à faire le chemin inverse : d'hypothèse plausible, elle devient plus raisonnablement une manipulation grossière. Mais attendons que nos "amis" US apportent leurs preuves... En revanche, les scientifiques qui ont utilisé la cape de protection "La Science dit que c'est impossible" ont été imprudents, et ont travaillé avec ce genre de comportement contre le doute méthodologique, ce qui est catastrophique. 

Ensuite, il s'agira effectivement d'analyser ce qui s'est passé, et de le mettre en perspective avec ce qu'on sait déjà des enjeux liant santé (humaine et animale) et biodiversité. Voir sur ce sujet la lecture récente. Pour en tirer des informations capables d'orienter nos décisions politiques (ce qui n'a pas été fait jusque-là).

Enfin, la question de l'émergence de la maladie pourrait dire des choses des risques de retrouver notre ami qui nous veut du bien SARS-Cov2 à l'automne prochain. Certaines hypothèses jugent cela peu probable du fait que le réservoir est constitué d'animaux sauvages : les contacts sont moins fréquents qu'avec des animaux domestiques ; et le fait est que la transmission de parasites d'animaux sauvages à l'humain arrive mais est rare. D'autres hypothèses tablent sur son retour probable, mais je n'ai pas lu d'arguments pour étayer. A suivre...


La diffusion mondiale et la gravité du Covid-19


Sur la diffusion

Premièrement, je n'ai pas cru, pour avoir lu et écouté différents avis sur la question, à la diffusion mondiale de cette épidémie. On nous explique en effet qu'une épidémie est généralement liée à un écosystème, et que la plupart du temps, les cas importés dans d'autres écosystèmes ne provoquent pas de cas secondaires car le parasite ne trouve pas alors les conditions pour se développer. Et à l'appui de cette hypothèse, se rappelait à nous le souvenir d'un nombre assez important de crises mondiales annoncées et qui n'eurent pas lieu. En l'occurrence c'était une erreur, et manifestement les zones climatiques tempérées étaient toutes propices à une diffusion de cette épidémie. Peut-être même les conditions de développement n'étaient-elles pas optimales en Asie, mais bien plutôt en Europe ou aux Etats-Unis : c'est une hypothèse que je ne base sur rien d'autre qu'une intuition, et que je ne veux pas écarter pour le moment car elle pourrait atténuer la charge à mener contre le bilan stratégique en Europe et plus encore en France, et on verra que la charge va être violente. Il faut garder à portée de main les objections à ce qu'on pense.


Sur la gravité

Concernant la gravité de la maladie Covid-19, en revanche, tout se passe semble-t-il comme prévu : à savoir que les premières données sont terribles (on ne détecte rien, tous les cas semblent donc mortels), les modèles et "prédictions" sont catastrophistes. Souvenons-nous que pour la grippe aviaire en 2005, Neil Ferguson avait prédit jusqu'à 200 000 millions de morts, se trompant ainsi de 6 zéros! Cela ne l'a nullement empêché, malgré d'autres prédictions catastrophistes non vérifiées, de devenir pour le Covid-19 le "Monsieur confinement" (qu'il n'aurait pas respecté, ce qui l'oblige à démissionner). Il est très facile, en manipulant des modèles exponentiels, d'arriver à des chiffres démentiels. J'entends bien qu'il serait désastreux politiquement de minimiser un risque, et de devoir ensuite assumer un bilan bien plus lourd ; alors que partir de prédictions alarmantes et afficher un bilan moindre est plus agréable. Donc, dans notre configuration politique, les prédictions seront toujours pires que ce que à quoi on peut raisonnablement s'attendre. Mais, nous citoyens, ne devons pas céder à cette panique diffusée par rouleau-compresseur médiatique. La "prédiction" de Ferguson en 2005 était la suivante : la grippe dite espagnole en 1918 ayant fait 40 millions de morts, et la population mondiale ayant depuis été multipliée par presque 6, on peut s'attendre en 2005 avec la grippe aviaire à presque 200 millions de morts. Cette prédiction était gratinée pour ne pas dire complètement débile : la grande majorité des morts de la grippe espagnole sont décédés de surinfection bactérienne (en l'absence d'antibiotiques à l'époque) et le contexte au sortir de la guerre n'avait rien à voir avec celui en 2005.

Il n'est pas toujours évident de déconstruire ces discours, surtout qu'ils arrivent avec le vénérable habit scientifique. C'est un autre principe de base : ce n'est pas parce qu'une étude est scientifique qu'il faut en tirer une "vérité scientifique". Les connaissances scientifiques se construisent petit à petit, par amendements et réfutations des savoirs précédents, et émergence de nouveaux questionnements qui appelleront d'autres études, et ainsi de suite. C'est le contraire d'une Vérité révélée et immuable, or le caractère scientifique d'une étude sert beaucoup trop souvent d'argument d'autorité, se confondant parfois avec une sorte de religion scientiste.

Donc, les modèles prédictifs étaient faux, ce qui était prévisible, et on se retrouve avec une maladie d'une gravité apparemment comparable à celle de la grippe saisonnière. Le mot est lâché! Dans l'imaginaire collectif, il suffit de se moucher 2-3 fois et on a fait une "grippette"... C'est vraiment la maladie la moins grave du monde. Cette vision est très éloignée de la réalité, puisque l'OMS annonce jusqu'à 650 000 morts par an dans le monde de la grippe saisonnière, qui n'est pas du tout anodine. Covid-19 : 250 000 morts. Donc, pour le Covid-19, les estimations actuelles sont à 0,2-0,3% des infectés qui meurent. Quant à la contagiosité, elle semble finalement assez faible aussi puisque les estimations actuelles sont à 3% de la population des pays touchés. Conclusion : ces modèles prédictifs doivent nous alarmer (et pousser à la préparation politique), mais ne doivent pas être pris pour argent comptant ni susciter un affolement délirant.



Sur la mortalité

Les chiffres ne parlent pas tout seuls. Les chiffres doivent toujours être mis en perspective. Sinon, on peut leur faire dire tout et son contraire. Il est très facile de brandir un chiffre brut et d'en conclure n'importe quoi. De mon point de vue, il sera très important d'avoir un bilan aussi précis que possible, afin de pouvoir évaluer la mortalité due au virus, et la distinguer de celle due à la stratégie adoptée pour y faire face.

Les décodeurs du Monde, par exemple, font une analyse à prendre avec de belles pincettes. Leur idée est de prendre le nombre de morts sur la période 2000 - 2020, et de constater que la mortalité est 31% plus forte sur la période qui les intéresse (1er mars - 17 avril) en 2020 que la moyenne 2000-2019. Ce qui n'apporte pas grand-chose, et je vois déjà 5 objections importantes à une telle présentation des choses :
  1. un important facteur de mortalité est la grippe saisonnière, d'une ampleur très variable selon les années, et qui frappe à des dates différentes également. Ainsi, regardez les courbes 2015, 2017, 2018, qui affichent des pics plus tôt dans l'hiver qu'en 2020. Limiter la recherche à la période impliquant le Covid-19 pose donc problème, d'autant plus que le profil des victimes est sensiblement le même que celui de la grippe saisonnière : si la grippe saisonnière avait été aussi forte que d'autres années en 2020 en janvier ou février, on aurait un pic préalable et donc un pic "Covid-19" plus faible. Il est donc pertinent de comparer la mortalité sur toute la période "hivernale", celle-ci devant s'étendre au mois de mai puisque le Covid-19 a frappé plus tard. On aura toutes les données plus tard
  2. ils admettent une limite à leur travail : la population augmente, il est donc logique que d'une année sur l'autre, le nombre de décès augmente. Les courbes auraient donc plus de sens en nombre de morts par 1000 habitants. Entre 2007 et 2018, la population a augmenté en moyenne de 0,46% par an. Sur une période 2000-2020, ce n'est pas négligeable
  3. ils oublient un facteur encore plus important : d'après l'INED, le nombre de décès, depuis le début des années 2000, est en augmentation, et cela devrait durer jusqu'aux années 2060. C'est le fait notamment de la "disparition" des classes "creuses", et de l'arrivée progressive des classes "baby boom" à des âges de plus fortes probabilité de mortalité. Toujours sur la période 2007-2018, le nombre de décès a augmenté en moyenne de 1,26% par an. C'est-à-dire que le nombre de décès augmente 2,76 fois plus vite que la population. Là encore, si on considère la période 2000-2020, ce n'est pas négligeable du tout. Il faut tenir compte de l'augmentation prévisible de la mortalité d'une année sur l'autre.
  4. prendre les données de mortalité générale est pertinent pour se débarrasser de la (grande) incertitude sur la mortalité estampillée Covid-19 (aussi bien ceux comptés en trop que ceux pas comptés), mais il ne faut pas amalgamer la mortalité due au virus et la mortalité liée au confinement. Or, si le confinement a eu des effets de diminution de mortalité (accidents de la route, pollution, ...), il en a aussi nécessairement eus d'augmentation de mortalité (dépressions, difficulté d'accès aux soins, voire augmentation de la transmission de virus au sein des familles ou zones très densément peuplées, ...). 
  5. par ailleurs, il ne faut pas rendre le virus responsable d'une mauvaise stratégie politique. Les facteurs climatiques et démographiques sont exclus pour expliquer une différence entre l'Allemagne et la France. Or, l'Allemagne compte 5,5 fois moins de morts par million d'habitants que la France. Le virus ne saurait en être responsable, mais bien plutôt le manque de tests, de masques, de capacités hospitalières, etc. L'Allemagne étant un pays plus dense et plus âgé que la France, les mêmes causes (SARS-Cov-2) devaient provoquer les mêmes effets : le surplus est du à nos choix politiques.
En tenant compte de ces facteurs correctifs, avec les chiffres INSEE, cela donne du 1er janvier au 31 mars 2020 environ 4000 morts de plus qu'attendus soit 2,4% de plus que prévu. Il est évident que le surplus aura lieu surtout au mois d'avril, mais les données sont encore incomplètes et s'arrêtent au 20 avril. On verra le travail d'affectation une fois les données plus complètes disponibles. Mais il faudra bien faire ce travail, puisque politiquement, ils vont tout tirer dans le sens de la catastrophe naturelle face à laquelle on ne pouvait rien faire, sauf ce qui a été fait (confinement) et qui aurait permis de sauver 60 000 personnes (on y reviendra). Il s'agira de ne pas se laisser raconter des fables.


La gestion de la crise


Timothée Vergne présente deux grandes options qui peuvent être retenues pour faire face à une épidémie de ce type : une stratégie d'atténuation, et une stratégie de suppression (faire cesser l'épidémie en ramenant le R0 en-dessous de 1). En pratique, cela a donné 3 options différentes, avec une multitude de façon et performances pour mettre en place ces stratégies :
  1. Stratégie d'atténuation = laisser se diffuser le virus, mais de manière contrôlée et en en protégeant autant que possible les personnes vulnérables (identifiées assez vite). L'objectif est d'une part de pouvoir faire face en matière de soins, et d'autre part de permettre une immunité collective à 60% de la population atteinte, et avoir ainsi éradiquer le risque épidémique à long terme. Choix des Pays-Bas (à ce jour 297 morts / million d'habitants). 
  2. Stratégie de suppression 1 = confinement de toute la population. Adoptée très vite par la Chine (à ce jour 3 morts / million d'habitants), mais beaucoup plus tardivement par des pays comme l'Italie, l'Espagne, la France (pays entre 386 et 543 morts / million d'habitants)
  3. Stratégie de suppression 2 = dépistage massif et au plus vite des individus infectés dans les zones à risque + mise en quarantaine, sans confinement de toute la population. Adoptée par la Corée du Sud (5 morts / million d'habitants)
L'atténuation est donc supposée favoriser une immunité collective. Dans la mesure où les personnes à risques sont bien identifiées (c'était le cas très tôt) et où le pays a les moyens de les protéger (sur ce point, en tout cas en France, il était clair que non), cette option parait raisonnable. Mais je vois au moins deux incertitudes majeures :
  • on ne sait pas vraiment (aujourd'hui le 8 mai) si les infectés sont immunisés, le pari est donc risqué
  • on ne sait pas si le virus sera à nouveau présent la ou les saisons prochaines, le pari n'aura donc peut-être servi à rien
Alors, mieux valait la stratégie de suppression? Les pays engagés clairement et tôt dans ces stratégies ont de meilleurs résultats. Mais dans l'hypothèse où le virus revient, il faudra à nouveau mettre en œuvre une stratégie extrêmement coûteuse socialement et économiquement, ce qui finirait par être suicidaire. Sauf si un vaccin arrive, mais comme on n'est déjà pas certains d'être immunisés après infection, le pari d'un vaccin semble assez osé pour le moment. La plupart des épidémies se comportent apparemment de la même façon, font une courbe en cloche et disparaissent, car saisonnières, en dépit de toute notion d'immunité collective d'ailleurs. Mais, peut-être que dans 1 an, on dira que les Pays-Bas ont eu raison, parce que l'hiver 2021 aura été pire que le 2020.

Finalement, on en arrive à la conclusion qu'on ne sait pas quelle sera la meilleure réponse avant de l'apporter. On peut toutefois cerner le débat : le plus probable reste qu'une épidémie se comporte comme la plupart des précédentes. D'autre part, on peut mesurer les capacités à y faire face.

Par exemple, la Corée du Sud a démontré ses capacités à faire face, en sachant notamment dépister très tôt les infectés, et détecter au plus vite les zones à risque. La Chine également, a su mettre en place son option très rapidement, rendant le confinement efficace.


Alors, confinés pour rien?

Le gouvernement s'est appuyé sur une étude de l'EHESP pour estimer que le confinement aurait sauvé 60 000 personnes. Encore une fois, ne pas prendre pour "vérité scientifique" une étude scientifique. Un article analyse deux études qui vont à l'encontre de celle de l'EHESP. Ce travail donne des arguments à ceux qui défendaient la position qu'il ne fallait pas confiner toute la population, et notamment donc celle de Didier Raoult que j'ai relayée car elle me paraissait pertinente. La Chine n'a pas eu d'autre choix que de confiner toute la province, mais après la Chine, nous avions un coup d'avance et pouvions procéder autrement. La Corée du Sud l'a fait, notamment. En France, Olivier Véran lui-même expliquait avant le confinement que... c'est le confinement qui favorise la transmission du virus. Hypothèse pas absurde du tout, en réponse à la saisonnalité des épidémies qui n'est pas vraiment comprise par les spécialistes et qui ne semble pas complètement liée à la chaleur, ni aux rayonnements UV, mais peut-être aussi et surtout à la saisonnalité de nos comportements : avec l'arrivée des beaux jours, nous ouvrons les fenêtres, nous passons plus de temps à l'extérieur, et sommes donc soumis à des parasites en bien plus faible concentration que dans un air "confiné". Le confinement augmente donc certainement la probabilité de transmission, et pour qu'il ait un effet, il faut qu'il diminue d'un facteur plus important le nombre d'interactions individuelles. C'est loin d'être certain.

Bon. Un argument qui va à mon avis dans le sens d'une faible utilité du confinement : c'est la forme de la courbe épidémique en France.
Source : https://ddi.sutd.edu.sg/

Le confinement ayant débuté mi-mars, ne peut donc pas avoir eu d'effet sur la phase croissante de l'épidémie. On devrait donc avoir une courbe asymétrique avec une décrue plus lente que ne l'a été la croissance : plus la décrue est lente, plus cela veut dire qu'on a abaissé le pic et aplati la courbe. Or, la courbe française est quasi-symétrique, si on lisse les effets de prise en compte statistique des cas et épouse quasiment parfaitement la courbe attendue en rouge. D'ailleurs, vient justement corroborer cette hypothèse la mise en place tardive du confinement : il est bien évident que plus tôt il est mis en place, plus il aura d'effet.

Autre hypothèse, qui me vient en comparant avec la courbe de Grande-Bretagne, bien plus asymétrique, et/ou aplatie (il est peut-être un peu tôt pour le dire) : les mesures prises ont peut-être été plus progressives en France (plus importantes au début qu'en UK, elles auraient joué un rôle préalable au confinement), alors que la Grande-Bretagne ayant brusquement changé d'avis pour un confinement, celui-ci aurait apporté plus de contraste avec les mesures mises en place précédemment et donc eu un rôle plus important. Dans ce cas, plus que le confinement, ce seraient les mesures dites "barrière" et les distanciations individuelles qui ont joué un rôle important pour aplatir la courbe.

Source : https://ddi.sutd.edu.sg/

Par-dessus le marché, on commence à mieux cerner la diffusion de ce virus. La diffusion commence par des "clusters" avant de se poursuivre de lieu clos en lieu clos : appartements, métro, hôpitaux, etc. Nous revenons donc à cette idée selon laquelle le confinement favorise la transmission du virus.

C'est pourquoi, dès le début de l'épidémie, on nous alertait sur le fait qu'un confinement global de la population était une solution dépassée, pratiquée au moyen-âge mais pas adaptée aux connaissances et moyens technologiques du XXIe siècle. Le plus insistant en ce sens était, encore lui, Didier Raoult. Cependant, constatant que les moyens manquaient pour tester, protéger les personnes vulnérables, et traiter les malades (destruction de l'hôpital public de longue date, incapacité à adopter un traitement dans les délais exigés par la situation), je me suis rangé à cette idée de confinement, parce que, contrairement à la grippe, aucune barrière immunitaire ne pouvait arrêter ce nouveau virus risquant donc de toucher beaucoup plus de personnes. Malheureusement, rien ne semble indiquer à ce stade que le confinement a été efficace :
  • pas la mortalité par million d'habitants, qui ne semble rien montrer en faveur des pays européens confinés par rapport aux pays européens non confinés
  • pas la durée de l'épidémie : je ne vois pas non plus de différence, alors qu'on aurait pu s'attendre à ce qu'un confinement allonge, d'autant plus sensiblement qu'il aurait réduit le pic, cette durée (conséquence logique d'un aplatissement attendu de la courbe)
En revanche, des arguments viennent appuyer l'hypothèse d'une non-efficacité du confinement :
  • d'abord, il y a confinement et confinement : à la chinoise avec tests, masques, livraison des repas, fermeture des transports publics, etc. ; et à la française sans masques dans le métro, sans tests, etc. Un "confinement" qui empêche les gens d'aller en forêt mais laisse ouvert les lieux de propagation du virus sans protection, vous admettrez qu'on aura du mal à imaginer qu'il puisse être efficace...
  • ensuite la date de mise en place du confinement. Elle intervient au 17 mars après-midi, et les données indiquent en général 5-14 jours avant apparition des symptômes puis 17-19 jours entre l'apparition des symptômes et le décès. Les premiers effets du confinement français ne peuvent donc pas se montrer avant, au moins, le 11 avril : à cette date, 54% des décès enregistrés par Santé Publique France au 9 mai avaient déjà eu lieu ; et nous attaquions la phase de décroissance de l'épidémie :


Moralité? Je ne croyais pas à la pertinence d'un confinement avant ; j'ai cru, un peu, à son efficacité pendant ; ça me semble une pure fantaisie maintenant. J'espère que tout cela ne sera pas vérifié, et que nous n'aurons pas subi ce confinement pour rien, voire pire. Neil Ferguson estimait que sans confinement, la Grande-Bretagne connaîtrait 250 000 morts de plus. Rien que ça! Quand on voit que c'est à l'heure actuelle pas loin du bilan mondial, on se dit que c'est complètement farfelu, une fois de plus. On fera les comptes à la fin.

L'option coréenne demandait l'usage des technologies pour "tracer" les personnes potentiellement infectées. N'étant pas, loin s'en faut, un fan de Big brother, je comprends bien les craintes que cela soulève en termes de libertés individuelles. Toutefois, ces données sont d'ores et déjà accessibles, ce combat-là est perdu, et Google et Facebook nous suivent déjà à la trace. Ces techniques de géolocalisation ont des utilités concrètes, la vraie question est qui accède à ces données et comment elles sont gérées : la vraie question est démocratique (on y reviendra). Par ailleurs, le confinement a été une perte de liberté individuelle pour la moitié de l'humanité, et ça doit être également interrogé sous cet angle, en plus de celui de son efficacité...


La place de la science


Le conseil scientifique

Le pouvoir a constitué un conseil scientifique, puis deux conseils scientifiques à l'occasion de cette crise, dans un mouvement qui semblait assez logique et évident, « pour éclairer la décision publique dans la gestion de la situation sanitaire liée au coronavirus ». De mauvais esprits sont allés chercher les conflits d'intérêts de certains des membres de ce conseil, je l'ai déjà évoqué, c'est un problème assez grave. De plus, certains se sont interrogés sur les bases légales d'une telle mise en place, ainsi que sur les risques d'un capharnaüm entre Santé publique France, la Haute Autorité de Santé, le Haut Conseil de la Santé Publique, et donc les deux conseils en question. Il est vrai qu'on n'y comprend rien, et certains noms sont d'ailleurs dans les deux conseils, qui travaillent ensemble. Comprends pas. Si quelqu'un peut nous expliquer?...


Deux autres interrogations quant à moi :
  1. s'il est logique, pour le pouvoir, d'aller chercher des expertises sur lesquelles fonder ses décisions, l'organisation du pouvoir en "démocratie représentative" place de fait un tel Conseil scientifique dans une situation fort inconfortable bien connue sous l'appellation "le cul entre deux chaises". Car il est évident que le pouvoir doit se justifier, d'autant plus qu'il est déjà délégitimé, dans l'optique de se faire réélire, et même de ne pas se faire dégager avant la fin, un contexte de crise sanitaire comme celui-ci mal géré étant assez explosif. Le pouvoir ne cherche donc pas tant à éclairer sa décision (il sait déjà où sont les experts pour cela), qu'à se servir de cet outil pour faire passer le message suivant au peuple : "Nous faisons ce que la Science nous dit de faire". Dès lors, le Conseil scientifique est instrumentalisé et de facto politisé. Prenons la question des tests : le Conseil peut conclure qu'en l'état actuel des connaissances, la meilleure chose à faire est un dépistage massif et aléatoire de la population ; si le pouvoir est incapable ou ne veut pas en assurer la logistique, que se passe-t-il ? Le Conseil va se retrouver à valider une option politique basée sur la pénurie, et non pas sur l'état des connaissances, option qui paraîtra pourtant validée par la Science. Et c'est ainsi que nous avons pu voir son pauvre Président M. Delfraissy aller devant les médias répondre au sujet des masques, à tenter de s'en sortir comme il pouvait. Pour le pouvoir, c'est certainement très utile. Pour l'image de la science dans le pays, c'est une catastrophe.
  2. par ailleurs, la composition de ce conseil me laisse perplexe... Il est logique qu'il soit dominé par les spécialités directement impliquées par la question centrale des maladies infectieuses. Il est très bon qu'il comprenne une anthropologue et un sociologue, et spécialisé-e dans les questions de santé. Mais il y a selon moi beaucoup de manques, dont il eut fallu qu'au moins certains soient comblés, surtout si c'était pour faire 2 conseils scientifiques :
    • les sciences, toutes les sciences, dites humaines avaient de mon point de vue aussi à apporter, en dehors des question de santé,
    • des personnes impliquées dans la crise, mais apparemment non jugées comme "scientifiques", voire absolument pas des scientifiques : infirmier-e-s, urgentistes, personnels administratifs dans les hôpitaux, etc.,
    • une représentation de l'histoire des sciences, de l'épistémologie (un peu de recul ne fait jamais de mal)
    • des citoyen-ne-s lambda comme vous et moi
    • une représentation également de la médiation scientifique
En bref, si j'admets l'objectif d'éclairer la décision publique, on ne peut pas penser "publique" sans penser "citoyen-ne-s" (du moins en théorie, en "démocratie"). En bref, il y avait un besoin de médiation scientifique, criant, qui s'est révélé par "les millions d'épidémiologistes sur twitter". Car, au lieu de répondre à ce besoin, les "élites" ont préféré railler cette prétention de la populace à se mêler de... ce qui la regarde, à savoir les décisions qui seront prises à propos de sa santé et de ses libertés.

Ce besoin de médiation, les médias évidemment ne l'ont nullement joué. Champions toutes-catégories des pseudo-vérités scientifiques balancées sans aucune mise en perspective, ils n'ont quasiment diffusé que de l'angoisse. Comparer, mettre en perspective, tester, comprendre, ne pas comprendre aussi et se poser des questions : ça peut permettre de remettre les choses à leur place. Cet effort a parfois été mené, pour être honnête (j'ai vu passer quelques éditos de Patrick Cohen, que je n'apprécie nullement par ailleurs, tout à fait factuels et ne jouant pas à faire peur).

Nombre de scientifiques étant intervenus dans le débat ne l'ont pas fait non plus, se contentant de sauts de cabris sur l'affaire chloroquine. Mais, parfois, on a eu des tentatives, comme ceux qui ont rendu disponibles des simulateurs SIR pour comprendre l'impact de certaines décisions sur le bilan humain attendu d'une épidémie ; d'autres ont fait un travail similaire sur la difficulté d'avoir de bons tests de dépistage, etc.Tout ceci est resté assez marginal, alors qu'il aurait permis de faire monter le niveau de compréhension de tout le monde.

Alors qu'au contraire, l'image renvoyée par cette épisode est souvent un entre-soi élitiste qui valide les options politiques des personnes qui les ont nommé-e-s. La défiance envers la science et les scientifiques n'en sortira que grandie ; et si le retour de bâton me semble mérité, nous y perdons tous quelque chose à l'arrivée.

Enfin, et cela c'est Didier Raoult qui le souligne de manière un tantinet taquine, si le Conseil scientifique a pour but d'aboutir à un consensus, et politiquement il ne saurait en être autrement, "c'est Pétain". Personnellement, je ne l'aurais pas formulé ainsi, mais c'est évident. Il y avait besoin de science, or la science ce n'est pas le consensus, c'est le contraire, c'est précisément la contradiction. Il ne faut pas qu'un type arrive avec une bonne idée derrière laquelle tout le monde se range, il faut des gens qui disent : "Dis donc, c'est bien gentil, mais si on tient compte de ce facteur, on aurait plutôt ce résultat". Toutefois, nos sociétés sont bien loin de pouvoir supporter une telle dose de doute méthodologique (et sans doute beaucoup de scientifiques les premiers), et c'est impensable en situation de "démocratie électorale".


La controverse Méthodologistes vs. Epistémologistes

Alors justement, le doute méthodologique. Pour faire vite, ayant déjà abordé ce sujet précédemment, en ayant volontairement étiré les positions pour en montrer les antagonismes. Je vais faire le contraire aujourd'hui en montrant que l'opposition n'est pas aussi tranchée qu'il n'y parait. Pour faire simple, Raoult a été traité de gourou, et ceux qui ont partagé ses prises de position des adeptes, faisant de cet ensemble une sorte de secte anti-science, qui voudrait "abandonner les méthodes scientifiques". C'est ce qui nous est reproché quotidiennement, par des gens que j'aime assez à qualifier de prêtres de la religion scientiste. Après quoi, on ne peut plus faire plus tranché!

Or, personne parmi les "Epistémologistes" ne réclame "d'abandonner les méthodes scientifiques", ou "la science", ni même les études randomisées en double aveugle. Nous disons simplement que :
  1. les méthodes même randomisées en double aveugle ne sont pas une garantie de vérité scientifique
  2. que dans une situation de crise qui, selon toute vraisemblance, va durer quelques mois au maximum, il est aberrant de s'en remettre à des méthodes dont les résultats se feront attendre plusieurs mois
Nous demandons donc simplement que, face une crise, dont les modèles nous prédisent un nombre conséquent de morts (le risque est élevé), les médecins puissent traiter en testant si besoin des médicaments dont il est légitime de soupçonner qu'ils puissent présenter un bénéfice. On nous répond qu'il est "déviant" que les médecins, non producteurs de savoir pharmacologique, traitent leurs patients hors protocole. L'argument venant appuyer cette position est qu'une bouée peut s'avérer un parpaing, et qu'il faut donc attendre d'être sûr que la bouée en est bien une avant de la donner. La première partie de l'argumentation est tout à fait juste, et nous l'avons vu avec l'aspirine, dont on nous a très vite informés qu'elle était un "facteur aggravant" et qu'il fallait la laisser au placard. Pourtant, aucune étude randomisée en double aveugle n'a été menée (1 bras Aspirine vs. covid-19 et 1 bras Placebo vs. covid-19) pour démontrer cela selon les critères réclamés par les Méthodologistes! Mais nous avons tous rangé l'aspirine et c'est logique. Face à un virus nouveau, tout médicament peut s'avérer en réalité un parpaing. Avec ce raisonnement : il ne fallait rien donner à aucun patient avant d'avoir les résultats d'une étude randomisée en double aveugle. Cette position est absolument intenable dans un contexte de 250 000 morts dans le monde et de panique générale suscité par cette épidémie, doublée d'effets collatéraux de confinements désastreux.

Parlons justement des études randomisées en double aveugle :
  • Etude Discovery : nous devions avoir les résultats mi-avril, puis mi-mai, et on apprend désormais qu'en plus de l'incapacité de Gilead à fournir le Remdesivir (un des 4 bras de l'étude), cette étude s'avère un véritable fiasco de coopération européenne et qu'il y a moins d'1/4 des patients prévus qui suivent l'essai, 1 seul patient hors de France. 
  • L'AP-HP a mené une étude sur le Tocilizumab, et voyant des résultats positifs, a communiqué dans la presse en ce sens pour que le médicament soit utilisé. Depuis, le comité de validation semble faire des misères à l'AP-HP, et on est bien loin d'une publication des résultats apparemment
On voit bien que ce protocole n'est pas du tout adapté à la situation. L'argument selon lequel il était si facile de faire mieux que Raoult dans les mêmes délais ne tient plus : ses études comportaient des failles, mais aucune équipe au monde n'a été capable au 7 mai, par une étude conforme aux critères des méthodologistes, de prouver l'efficacité ou l'inefficacité d'un traitement. Ca ne prouve pas que c'était impossible, mais qu'il était raisonnable de penser qu'on n'y arriverait pas. La seule utilité que ce genre d'étude peut avoir, c'est en cas de retour du virus à l'automne, nous aurons alors des études à plus forte valeur probatoire, et tout le monde sera content. Mais il y avait une question à traiter avant, et il fallait le faire autrement. Les études rétrospectives sont bien plus adaptées à une situation de crise aiguë : on traite, et on regarde ce que les différents traitements ont donné comme résultats. Et bien sûr, on reste prudent et au moindre bout de parpaing, on suspend.

C'est ce qu'a fait l'IHU de Marseille. C'est la stratégie également au Sénégal, où les données (non validées) transmises permettent de dire que le traitement HCQ+AZ a permis de faire passer la durée d'hospitalisation de 13 à 9 jours : tout cela reste sujet à caution, mais reportons ces moyennes au nombre d'hospitalisés en France, et le traitement aurait alors permis d'économiser quelques 400 000 jours d'hospitalisation. Nous savons que la "tension" des services hospitaliers est un facteur-clé pour gérer cette crise et éviter une surmortalité importante, c'était là un enjeu de taille, qui valait la peine d'être tenté au vu des recommandations chinoises déjà disponibles début février.

Les études observationnelles arrivent depuis début mai, notamment une chinoise indique une plus faible mortalité dans des cas sévères traités avec HCQ, et aujourd'hui une espagnole qui montre une plus faible mortalité, notamment pour des cas légers traités précocement avec HCQ. Deux études conformes avec les déclarations de Raoult sur une première analyse (non encore publiée à ma connaissance) des plus de 3000 personnes traitées, où il avance un intérêt de HCQ+AZ en début d'infection, puis plus tard contre "l'orage de cytokine". D'autres études montrent parfois moins voire pas d'effet, mais aucune n'a montré d'effet négatif.


La fin de l'affaire chloroquine?

Nous voyons donc arriver la fin de l'affaire chloroquine. Nulle part n'est constaté de mortalité pour problèmes cardiaques, aucun effet délétère sur le virus n'est relevé, les résultats publiés sont relatifs mais probants. Mais, ce qui m'a poussé à qualifier certains "Méthodologistes" de prêtres de la religion scientiste, c'est leur capacité, durant toute cette crise à s'acharner par des articles quotidiens, et parfois plusieurs par jour, contre Didier Raoult, comme si c'était le problème numéro un du moment ; puis, au fur et à mesure que le faisceau d'indices en faveur de son traitement grossissait des faits rapportés, cette négation du réel, des faits et des données, pour continuer à combattre ce traitement promu par un "champion de l'anti-science", un propagateur de "fake news" et de "théories du complot" et j'en passe, est devenue insupportable. Autant de mauvaise foi, de contorsion du réel, ne peut que rappeler les esprits dogmatiques et tartuffes. Si on avait vu arriver les problèmes avec le traitement HCQ+AZ, j'aurais immédiatement pensé qu'il fallait arrêter, sans pour autant renier ma position qui était qu'il fallait tenter. De même pour le Remdesivir : il me semblait opportun de tenter, mais en voyant que le premier patient traité avec était mort, et que le Remdesivir était connu pour sa toxicité, cela a de quoi freiner les ardeurs, freinées de toute façon par l'indisponibilité de ce médicament. C'est un autre principe de base : on a le droit de faire des erreurs en choisissant une option, mais il faut et il suffit en quelque sorte de tenir compte du réel pour pouvoir se corriger.

Quelques mots sur le rapport risque/bénéfice. Là encore, j'en suis bien désolé, mais l'épistémologie, l'histoire des sciences, les sciences humaines, apportent quelque chose, et c'est à mon avis en cela que Raoult est intéressant, plus que par la trouvaille d'un traitement potentiel. Nos sociétés européennes sont vieillissantes, et n'ont plus beaucoup de gains à entrevoir en termes d'espérance de vie. Dans ce contexte, il n'y a plus grand chose à attendre de nouvelles molécules : avant d'en mettre une sur le marché, il est donc indispensable d'être sûr que les risques qu'elle fait encourir sont minimes, parce que les gains eux aussi le sont. Dans des sociétés passées, ou actuelles dans d'autres régions du monde, où l'espérance peut encore progresser dans de grandes proportions, les bénéfices potentiels d'une nouvelle molécule sont bien plus importants, et en contrepartie, un risque d'effets secondaires bien plus grand peut être toléré. Nous avons là, très certainement, l'un des facteurs expliquant la différence de mortalité entre l'Asie et l'Occident. Je dis bien : l'un des facteurs, car c'est multifactoriel.

Or, si en temps normal, nous en sommes là en Occident (et quelque part, on peut s'en féliciter, par les progrès de l'hygiène et de la recherche scientifique), en temps de crise épidémique aiguë, les choses se renversent : tout d'un coup, les bénéfices attendus étant plus grands, et il doit devenir possible de tolérer un risque également un peu plus grand. Ou alors, accepter de sacrifier des vieux... Personnellement, je préfère la première option.


Conclusion : de même qu'en 2005, le débat sur le référendum européen avait révélé une attente de démocratie et une réflexion plus poussée sur les institutions, méprisée par les "élites", cette crise a révélé également une une attente de notre part à toutes et tous de plus de compréhension des enjeux scientifiques et médicaux, également méprisée par les mêmes "élites". A force de manquer les occasions, les larrons finiront par les provoquer eux-mêmes.

Il est évident que chacun analyse ce qui se passe en fonction de sa grille de lecture. La mienne est bien celle que nous ne sommes pas en démocratie, que celle-ci passerait par des institutions toutes autres (voir exemple en image), et qu'en politique comme en sciences, les citoyen-ne-s sont capables, compétent-e-s, qualifié-e-s, pour se poser les questions, et faire appel aux connaissances disponibles pour se forger une opinion. 



Symétriquement, les "élites", experts, et ceux qui défendent cette organisation vont sortir de cette crise en disant qu'il y a besoin de plus d'expertise descendante. La différence, entre eux qui réclament d'aller toujours plus loin dans ce qu'ils font, et nous qui réclamons de changer d'organisation des choses, c'est que leur stratégie est à l’œuvre, et nous en voyons les effets, désastreux. Si les conséquences négatives de nos propositions sont invisibles (ce qui rend notre position plus facile), les leurs visibles (ce qui rend leur entêtement toujours plus absurde). 









Et en résumé, message au gouvernement : "Merci messieurs, c'était très bien, c'était TRÈS BIEN!"




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire