Afficher On pense avec les pieds sur une carte plus grande

vendredi 24 avril 2020

Bientôt Staline

Nous sommes le 24 avril. Le 17 mars parait bien loin, mais le 11 mai aussi, et encore le 11 mai peut-il s'appeler finalement le 18 ou le 25 mai, on ne sait pas. On verra. M'enfin! il y a confinement et confinement. C'est plus facile quand on peut aller faire un tour quotidien, dans un rayon de 1km bien entendu, et observer et découvrir pas mal de choses intéressantes. Hier, le spectacle de 14 Milans noirs, au minimum, arrivant de toutes parts, parfois au ras des habitations, parfois plus hauts en altitude, et se rejoignant pour tourner au-dessus de la maison pendant quelques minutes, dans des ballets aériens ponctués de leurs cris ou plutôt sifflements chevrotants, ce spectacle fait passer les choses. 

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Bon... En un peu plus d'un mois, j'ai notamment pu me développer quelques outils de détermination de différents groupes de bestioles, assez utiles pour s'y retrouver parmi les parfois centaines d'espèces d'oiseaux, de libellules, de papillons, d'orchidées, etc. Ça prend du temps, mais ça permet de mieux connaître ces zozos-là, et accessoirement de ne pas se trimballer avec quelques kilos de guides sur le terrain, quand un jour il sera possible d'y retourner.


On l'isole



Maintenant, je m'amuse avec Lightroom. Jusque-là, je n'avais pas mis le nez dans le monde des logiciels de retouche photo, tout juste corrigeais-je ici et là un petit manque de contraste en plus d'un recadrage et l'élimination d'une poussière sur le capteur du boîtier. Bon. Mais avec les fichiers RAW et un vrai logiciel, on découvre une palette de possibilités assez amusantes. On peut même devenir Staline, et supprimer quelques vieilles branches du Parti sur la photo. D'après un sondage passé dans les médias récemment, les russes estiment que la meilleure période de leur histoire a été la période soviétique. Avouez que c'est quand même pas mal. Bon, voilà, je suis encore bien loin de maîtriser tout ça, le goulag tout ce qui s'en suit, mais on fait un petit point ici des photos reprises pour le moment.

Sont arrivés en Camargue, bientôt chez nous?




samedi 18 avril 2020

Faune sauvage, biodiversité et santé

Le contexte étant... voici une petite lecture du livre coordonné par Serge Morand, François Moutou et Céline Richomme, publié en 2014 aux éditions Quae

D'abord un petit préambule. Aujourd'hui, les questions environnementales sont au cœur des préoccupations, de manière plus ou moins hypocrite et cynique, mais toujours est-il que la capitalisme s'en est emparé pour en faire un argument pour ne pas dire le meilleur argument de vente du XXIe siècle. C'est le réchauffement climatique qui a emporté la mise. Sans m'avancer sur ce terrain, on peut toutefois s'étonner d'un certain décalage avec les problèmes rencontrés aujourd'hui de manière concrète. Aurélien Barrau le rappelle dans une intervention : "ce n'est pas le réchauffement climatique qui à ce stade est responsable de l'extinction de la vie sur Terre, ce sont les pesticides, la surpêche, la disparition des espaces de vie". 



Voilà, donc, l'influence d'un réchauffement climatique, c'est une question ; mais la catastrophe actuellement en cours n'y est pas liée, et de cela on ne s'inquiète que très rarement. D'après l'IPBES, qui estime qu'un million d'espèces sont menacées :
Depuis 1900, l'abondance moyenne des espèces locales dans la plupart des grands habitats terrestres a diminué d'au moins 20 % en moyenne. Plus de 40 % des espèces d’amphibiens, près de 33 % des récifs coralliens et plus d'un tiers de tous les mammifères marins sont menacés. La situation est moins claire pour les espèces d'insectes, mais les données disponibles conduisent à une estimation provisoire de 10 % d’espèces menacées. Au moins 680 espèces de vertébrés ont disparu depuis le 16ème siècle et plus de 9 % de toutes les races domestiquées de mammifères utilisées pour l’alimentation et l’agriculture avaient disparu en 2016, et 1 000 races de plus sont menacées.

La question de la biodiversité est difficile à appréhender. Il y aurait 8,7 millions d'espèces vivantes sur Terre (Mora, Plos Biology, 2011), et peut-être même plusieurs dizaines de millions puisqu'il est évident qu'on est loin de toutes les connaître et qu'il est extrêmement difficile d'estimer. Ces chiffres vertigineux n'ont rien de concret pour nous, qui ne connaissons même pas les quelques espèces animales et végétales que nous voyons tous les jours. Nous n'avons pas la plus infime conscience de la signification de cette diversité. Par ailleurs, on veut bien sauver un bébé phoque, mais ça ne nous empêchera pas de gazer dans la foulée une "armada" de guêpes ou moustiques. Il y a la bonne (un truc qui bouge) et la mauvaise (un truc qui bouge) biodiversité. La question des "nuisibles" devrait être repensée, car ce qui nous paraît nuisible d'un certain point de vue est également utile d'un autre (voir le travail de Georges Salines sur cette question). On cite fréquemment l'exemple du renard, encore presque partout classé "SOD" (susceptible d'occasionner des dégâts, acronyme langue de bois pour éviter de dire "nuisible"), qui croque peut-être quelques poules mais qui rend également de multiples services écosystémiques en mangeant des milliers de micro-mammifères par an, par exemple.

Aux problèmes d'ignorance et de volonté pas-forcément-bonne s'ajoute celui du décalage entre la cause et l'effet. Tout juste commençons-nous à prendre conscience qu'en consommant une pâte à tartiner, nous contribuons à décimer les populations d'orangs-outans. Mais pour un exemple de causalité cachée démasqué, combien restent absolument invisibles? Quand on plante un "arbre à papillons" dans son jardin, on est bien loin de se douter des répercussions extrêmement négatives pour la flore (évincée par ce compétiteur hors pair) et la faune (bernée mais faiblement nourrie par cet arbre) locales. En 2000, 97% de la biomasse de mammifères terrestres correspond aux humains et leurs animaux domestiques : il ne reste plus que 3% de biomasse de mammifères sauvages, alors que c'était 17% en 1900 (Smil, 2011). Les études le montrent, faute de quoi on n'en prendrait pas conscience.

Enfin, le principal obstacle que nous rencontrons dans la prise en compte de la biodiversité est selon moi la représentation que nous avons en Occident cartésien de l'Homme versus la nature, avec une coupure qui a même amené à penser l'Homme comme "maître de la nature". Edgar Morin appelait à retrouver le paradigme perdu : celui de la nature humaine ; et l'expression a plusieurs sens. Notre corps lui-même comprend plus de bactéries que de cellules humaines. Des virus seraient à l'origine, par exemple, de l'adaptation des mammifères ayant développé un placenta. La biodiversité est en nous, et nous la sommes en quelque sorte. Nous avons à dépasser ces anciennes conceptions et reconnaître que ce n'est pas nous réduire ou nous limiter que de constater que nous faisons partie intégrante du monde vivant, alors que, depuis le néolithique et l'apparition de l'élevage, l'espèce humaine s'est engagée dans un processus où elle entend s'extraire du monde animal. Ce travail diplomatique (voir la revue du livre de Morizot) doit nous réintégrer dans le monde du vivant, en prenant conscience de ce qui nous relie aux autres, et utiliser cette capacité de cognition que nous avons développé au cours des périodes où, chasseurs sans odorat, nous avons du connaître les autres pour pouvoir les attraper, et développer ainsi des compétences qui nous ont permis de devenir « scientifiques » aujourd’hui. Trouver, désormais, des stratégies de cohabitation. Morizot travaille à partir du cas du loup : certains en craignent l'intelligence, alors même que réussir à cohabiter avec un autre intelligent prouverait que nous avons su développer la notre, d'intelligence. Conclusion : ce qui est utile à la biodiversité nous est utile.

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Faune sauvage, biodiversité et santé, quels défis? 
Serge Morand, François Moutou, Céline Richomme (coord)
Editions Quae, 2014


Effets de la biodiversité sur les maladies parasitaires :

Il y a des effets contradictoires, d'amplification ou de dilution (qui comprend plusieurs limites).
  • Amplification : plus nombreuses sont les espèces hôtes disponibles, plus nombreuses sont les possibilités d'infections et de succès des cycles parasitaires
  • Dilution : une abondance d'espèces peu compétentes (par rapport à un parasite donné) diminue le nombre d'hôtes compétents et augmente la perte de parasites chez les hôtes peu compétents
Par ailleurs, si la disparition d'espèces joue un rôle, l'introduction de nouvelles espèces également, pouvant freiner ou au contraire augmenter la transmission d'un parasite local. De même la diversité génétique des hôtes peut favoriser les parasites (les hôtes étant alors susceptibles à un large spectre de parasites), ou au contraire limiter les transmissions et impacts.

Ces effets fortement contradictoires se jouent finalement à des échelles spatiales différentes, en fonction également de l'écologie locale, et des systèmes hôtes-parasites considérés.


Impact des espèces introduites sur l'émergence de maladies :

Ces introductions sont considérées comme un des 5 grands problèmes écologiques mondiaux. Une espèce introduite peut transporter avec elle des agents pathogènes (=> espèces locales), et augmenter ou réduire la circulation d'agents pathogènes déjà présents.

La plupart des introductions sont commerciales et mondialisées, et heurtent l'objectif de maîtrise des risques sanitaires.


Une écologie de la transmission des agents pathogènes?

L'hypothèse selon laquelle un écosystème riche en biodiversité serait gage d'un plus faible niveau de transmission de pathogènes ne semble pas généralisable. Du fait notamment de la complexité des réponses alimentaires des prédateurs, on ne peut pas simplement prédire d'une relation proie-prédateur les conséquences sur la transmission d'un pathogène par réseau trophique (transmission non-linéaire).


A quoi servent les parasites?

Bien que le parasite soit le plus souvent néfaste pour son hôte, les pressions de sélection indiquent que les effets ne sont pas toujours indésirables.

Par exemple, la présence de parasites peut contribuer à un meilleur état de santé général de l'hôte. Et cela conduit à de nouvelles pratiques médicales (thérapie helminthique).
Les parasites peuvent être considérés comme "clé de voûte" des communautés : plus la densité d'hôtes est fortes, plus les effets des parasites sont marqués (effet de régulation, et même facteur de coexistence d'espèces : sans parasites, nombres d'espèces seraient "effacées" par leurs concurrents).
Les parasites semblent également favoriser la diversité et la stabilité d'une communauté.
Les parasites favorisent également une reproduction sexuée qui joue un rôle majeur dans l'évolution par recombinaison permettant aux hôtes d'échapper à leurs parasites. La co-évolution hôte-parasite apparaît comme l'une des grandes explications de la biodiversité actuelle.


Résistance et tolérance aux agents pathogènes chez les animaux sauvages :

L'étude du système immunitaire ne s'intéresse que depuis peu aux forces évolutives qui l'ont façonné (immuno-écologie). Se défendre comme un parasite coûte et il est parfois bénéfique de le tolérer (porteur sain).

Impact en épidémiologie : l'existence d'individus-réservoir et "super-disséminateurs" est peut-être liée à la tolérance aux agents pathogènes d'individus présents dans une communauté composée au contraire de "résistants". Important pour contrôler les maladies infectieuses et les émergentes.


Les animaux sauvages se traitent-ils aux antibiotiques naturels?

Des exemples sont connus et doivent être identifiés comme intentionnels. Ils peuvent parfois contribuer à une immunité sociale. Certains comportements antiparasitaires permettent à des sociétés animales d'évoluer dans un environnement sain et économise ainsi l'activation coûteuse du système immunitaire. Ceci expliquant le succès écologique des insectes sociaux?

Avec les médecines humaines et vétérinaires se sont répandus mondialement des résistances à des molécules de synthèse. L'étude des comportements animaux permet de mettre à jour de nouvelles molécules, et ouvre de nouvelles perspectives. La chimiothérapie n'est pas une solution durable comme recours exclusif.

Revisiter les relations entre l'humain et l'animal : compréhension des origines de l'ethnomédecine humaine ; réflexions sur les orientations des modes d'élevages passés, actuels et futurs ; importance de préserver la biodiversité des ressources au bénéfice de la santé des humains et des animaux.


Impact des pesticides sur la santé de la faune sauvage

Le déclin de la faune sauvage en milieu cultivé est directement corrélé à la toxicité aiguë des pesticides. Par ailleurs, les pesticides fragilisent la dynamique des populations, en plus des effets directement létaux.

Des études ont montré que 47% des cadavres de rapaces récupérés étaient morts d'intoxication.


Les animaux détectent-ils les bactéries antibiorésistantes dans l'environnement?

Les oiseaux sauvages peuvent héberger et disséminer des bactéries antibiorésistantes. Certains oiseaux sauvages sont des marqueurs d'une pollution par les antibiotiques (mode de vie anthropique mais pas seulement, et/ou régime alimentaire). C'est révélateur de la pression anthropique sur les habitats.

Le rôle réservoir des oiseaux est en question, mais pour le moment le transfert en retour de bactéries résistantes des oiseaux sauvages vers l'humain ou les animaux domestiques n'est pas établi.


Les vautours sentinelles?

Présence humaine partout = dilution de la frontière domestique/sauvage. Mode d'euthanasie des animaux d'élevage en montagne pose problème (intoxication des vautours). Ces "sentinelles" interrogent les conséquences de certaines pratiques vétérinaires.


Comment les pesticides attaquent-ils les pollinisateurs?

Co-évolution sur plusieurs millions d'années des abeilles et plantes à fleurs. Service écosystémique de la pollinisation des cultures estimé à 153 milliards d'euros par an. Abeilles sauvages en net déclin, les pesticides ayant les mêmes effets sur les abeilles sauvages et autres pollinisateurs que sur les abeilles domestiques.

"Principalement utilisés dans la lutte contre les ravageurs de cultures, ils conduisent au déclin des insectes dont les plantes dépendent!"


Questionnements sanitaires en milieu urbain

Fréquentation en forêt : 2-10 personnes par hectare. Fréquentation d'un parc urbain lyonnais : 250-600 personnes par hectare. "Amener la nature en ville", mais aucune conscience d'un quelconque risque.

Les trames vertes et bleues peuvent même amener à la circulation d'espèces animales dans des zones inadaptées à leurs physiologie et comportements (collisions, morsures, transmissions de maladies, etc.). Jusqu'à 300 cas par jour d'allergies humaines et animales au parc de la Tête d'or.

Cas des chenilles processionnaires, du ricin, des étourneaux, des lauriers-roses, etc.

Les intoxications par une plante dans son aire de répartition sont rares, mas plus fréquentes dans des climats inadaptées car la plante peut, soufrant de gel ou de parasites, concentrer ses moyens de défenses et devenir plus toxiques.

Les villes peuvent constituer un creuset pour pathologies infectieuses, parasitaires, allergiques... Les espèces commensales sont également un facteur de risque sanitaire.


Perceptions de la santé de la faune sauvage

Les pandémies nous donnent un sentiment de vulnérabilité et une défiance vis-à-vis de la faune sauvage. Rôle de l'élevage et du transport de bétail, de la destruction/fragmentation des habitats naturels, pollution ou perturbation des mouvements de la faune dans l'émergence de nouvelles maladies.

Coupure ontologique radicale entre les êtres humains et les autres êtres vivants : vision occidentale non universelle. Prise de conscience tardive de la valeur patriomoniale des espèces sauvages locales : peut jouer un rôle. Conflit d'intérêts entre conservation de la nature et développement humain. Les aspects sanitaires pas encore assez pris en compte. La "conservation" des espèces prise entre plusieurs feux.

Notion de santé environnementale "Une seule santé" : vers une gestion intégrée des anthropo-écosystèmes qui ne viserait pas une élimination des agents pathogènes mais une "mitigation de leurs impacts". La menace d'une biodiversité "réservoir de pathogènes" est compensée par les services écosystémiques de cette biodiversité.

Enjeu d'éviter une diminution du soutien du public aux initiatives de conservation de la biodiversité et de favoriser des "solutions de gestion tenant compte de la valeur d'écosystèmes en bonne santé comme ressource directe et indirecte pour les populations".


Quels services rendus par les écosystèmes?

Lien établi entre santé des ecosystèmes et santé humaine et animale. Un monde sans parasite serait-il plus sain? Les études montrent le contraire.

Les maladies infectieuses sont plus nombreuses et diversifiées en zone à forte biodiversité (tropicale). Mais une forte biodiversité est associée à une réduction de prévalence d'infection.

Wallace a proposé en 2007 une méthode permettant d'identifier les services écosystémiques.


Conclusion

L'augmentation des atteintes à l'environnement par les changements d'usage des terres, la surexploitation des ressources vivantes et les pollutions diverses (issues des villes, des zones industrielles ou de l'agriculture) nous montrent clairement qu'une crise de la biodiversité est en cours. Cette crise s'accompagne-t-elle d'une crise épidémiologique, marquée par des émergences de maladies infectieuses nouvelles issues de la faune sauvage et domestique? Plusieurs chapitres de cet ouvrage nous laissent entendre que c'est à craindre.

Et de citer :
  • baisse de biodiversité => santé des animaux => santé humaine
  • pollutions => animaux sauvages
  • pollinisations et autres services écosystémiques menacés
  • utilisation massive d'antibiotiques => antibiorésistance majeure
  • augmentation contacts humains - non humains
  • augmentation de la dépendance à l'animal (régime alimentaire de plus en plus carné)

vendredi 17 avril 2020

Et dans un rayon de 1 km...

... certains ont la chance de trouver des centaines d'orchidées... En voici quelques-unes : 

Les Limodores à feuilles avortées sont encore en bouton, en revanche, l'Orchis pourpre habituelle est bien à sa place, et chez une famille blaireau, le champ d'orchidées a pris une ampleur importante avec pas loin de 400 pieds d'Orchis mâle et Orchis singe !









jeudi 16 avril 2020

Le gai savoir

Des nouvelles du front? La "guerre" ne ressemble tout de même pas à la guerre, mais quelques petits mécanismes d'auto-défense ne font pas de mal, parce que nous sommes vraiment attaqués de toutes parts, et pas que par un virus.














1/ Ne pas céder à l'injonction de panique





Ce qui m'a frappé dès le début est la couverture parfaitement anxiogène de l'épidémie par les médias. On les connaît, on ne découvre pas. Mais ce n'est pas parce qu'ils font à chaque fois le même coup qu'il ne faut plus rien dire et s'habituer. Aujourd'hui encore, on entend souvent parler de crise sanitaire "sans précédent". Il y a à ce jour 134 000 morts dans le monde. La grippe dite "espagnole" a tué entre 20 et 100 millions de personnes soit jusqu'à 5% de la population mondiale de l'époque. Pour un équivalent, il faudrait que ce coronavirus tue 377 000 000 (377 millions, répétons : 377 millions) de personnes dans le monde. Est-il possible de garder un minimum de sang-froid?

Et moi, j'ai d'abord ça en tête : on reste calme, on garde raison. Je ne sais pas pour les autres, mais je vois tellement d'articles se lançant dans un concours de catastrophisme... Après avoir fait le coup de l'exponentielle ("Oh! mon Dieu, ça augmente de façon exponentielle!", sans jamais préciser qu'on ne le saura qu'à la fin, et que c'est de toute façon normal et que ça finit ensuite par redescendre), qui ne peut plus servir à rien désormais, on nous fait le coup des morts cachés. Comme le nombre de morts est certes important et quotidiennement décompté afin que tout le monde prenne peur, mais pas assez important et laissant des esprits rebelles entrer dans des comparaisons fâcheuses (d'après l'OMS, la grippe saisonnière fait jusqu'à 650 000 morts dans le monde chaque année), on va chercher des morts cachés. En Chine, c'est bien simple, ces sales chintoks communistes ont menti effrontément, certains allant jusqu'à affirmer, dans la presse, qu'ils ont caché 100 000 morts (on voit parfois des commentaires ahurissants parlant de 21 millions de morts en Chine, et pourquoi pas 21 milliards?). On ne voit toujours pas arriver ni l'ombre d'une preuve, ni l'ombre d'un décodeur du Monde ni même de Rudy Reichstadt pour s'en prendre à ces "fake news" et théorie du complot, qui s'estompent avec le temps et à mesure qu'elles perdent en crédibilité. Car toutes les accusations sans preuve et théories du complot sont possibles et même recommandées à l'encontre de la Chine. Mais surtout pas à l'encontre des pays occidentaux, évidemment. 

Ici, c'est juste qu'on mesure mal. Il faudrait multiplier par x (4, 10, 100?) le nombre de morts, parce que les gens meurent chez eux, parce qu'ils ne sont pas testés, etc. Je veux bien, car il est vrai que le nombre de test est réduit en deçà même du strict minimum. Mais pourquoi ces mêmes personnes ne font calculs et projections qu'en un seul sens, celui de la Catastrophe, et jamais dans l'autre qui pourrait balancer ce propos effrayant ? Il y a pourtant des raisons de garder son calme : 
  • le taux de mortalité de ce coronavirus semble très largement en-dessous de 1% (il est estimé à 0,5% dans le cas du bateau japonais où 700 personnes âgées ont été infectées et confinées, soit la pire configuration possible pour ces gens), et donc loin des annonces catastrophistes.
  • en Allemagne et en Corée du Sud, par exemple, on est en-dessous de 2% de décès parmi les personnes testées positives. Or, même si ces pays ont beaucoup testé, il est évident que le nombre réel de personnes infectées est beaucoup plus grand, puisqu'un grand nombre de personnes infectées ne présentent aucun symptôme (même dans le cas du bateau japonais, 18% des personnes âgées infectées ne présentaient absolument aucun symptôme)
  • les personnes qui meurent "du covid-19" sont 1/ des personnes très âgées et 2/ présentent dans l'écrasante majorité des cas : une, deux, trois pathologies complémentaires. Ces gens sont peut-être morts avec le coronavirus, mais combien sont morts du fait de leur âge et des multiples pathologies qu'ils accumulent? Nous n'avons pas encore le recul sur ces statistiques : à ce stade, je m'interroge simplement sur cette volonté de grossir la grenouille de manière systématique. A quoi ça sert, si ce n'est à faire paniquer les gens?
  • ce virus n'est donc particulièrement dangereux en lui-même, ce qui est dangereux est qu'il ne rencontre aucune barrière pour se propager puisque personne n'était immunisé. La propagation est donc effectivement dramatique pour les personnes à risque.
  • il est possible de contrôler cette propagation, et même dans un pays comme la France où la stratégie adoptée me semble parfaitement ubuesque, force est de constater que la mortalité 2020 reste un peu supérieure la mortalité 2019, mais en-dessous de celle de 2018 (où la grippe saisonnière avait été particulièrement virulente). Tout cela mérite des développements ultérieurs, mais reste conforme à ce que disent depuis le début tout ceux qui ne cèdent pas à la panique.

Je m'étonne donc de cette obsession de la catastrophe. Quelle peut bien d'ailleurs en être l'utilité? Il est utile, quand on met la main sur plaque de cuisson brûlante, de sentir une douleur qui nous pousse à retirer la main. En revanche, il n'est pas utile de laisser la main sur la plaque brûlante jusqu'à ce que mort s'ensuive. Il est utile de prendre conscience d'une menace, pas de vivre avec la peur au ventre toute sa vie.

Cette obsession de la catastrophe se double souvent d'une traque sans relâche des raisons "d'espérer". Personnellement, ce n'est pas tellement mon vocabulaire, mais admettons. Nous arrivons donc à ce qu'il faut bien appeler "l'affaire chloroquine". Je n'ai rien ni pour ni contre le Professeur Raoult, que je ne connais pas, et dont je n'entendrai plus parler au lendemain de cette crise sans la moindre émotion. Disons-le trivialement : je m'en fous. En revanche, son discours et sa démarche depuis le début de cette crise me semblent utiles. Mais je ne m'explique pas les passions qu'il génère chez les "anti-". Parlons de vocabulaire. Pas un article en effet où il ne soit question de "remède miracle", de ses "disciples", de "sauver l'humanité", de l'irresponsabilité de "donner de l'espoir aux gens". Cette surenchère lexicale met bien l'accent là où il faut. Aucune oreille ne doit dépasser, on ne doit voir que le visage de la Panique. Toute oreille dépassant est donc assimilée à un secte, une théorie du complot, ou autre taser idéologique dont disposent les médias.


2/ adopter une démarche critique de construction du savoir

L'évolution de ce qu'il faut bien appeler "L'affaire chloroquine" montre une opposition entre d'une part les "méthodologistes" et d'autre part les "épistémologistes". Il n'est pas question ici de discuter du bien-fondé du traitement hydroxychloroquine + azithromicine proposé par le professeur Raoult, d'abord parce que j'en ai pas les compétences et ensuite parce que c'est un sujet à mes yeux tout à fait secondaire. En effet, face à l'émergence d'un nouveau virus, il est évident que le développement d'un traitement ayant validé toutes les étapes des processus scientifiques les plus rigoureux demande a minima plusieurs mois de travail. Or,  ce délai passé, l'épidémie elle aussi sera passée ; et l'éventuelle validation scientifique qui arrivera alors ne sera plus d'aucune utilité à toutes les personnes ayant subi les conséquences de l'épidémie entre temps. A la question : Que fait-on?, la réponse médicale et politique ne peut dans ce cas se faire avec les "certitudes" scientifiques habituelles. Et pourtant, il  faut bien prendre une décision.

Dans ce contexte, les "méthodologistes" attaquent Raoult sur la rigueur scientifique qui lui ferait défaut, quand eux seraient les défenseurs de la Science (avec un grand S?) et de sa méthode amenant à la preuve. Il serait assez facile de leur renvoyer le boomerang, et Raoult ne s'en prive pas, puisque certains de ses critiques les plus fervents ont commis une étude sur un traitement "concurrent" d'une qualité, selon leurs propres critères pourtant, absolument consternante. Mais, ce n'est pas ce qui m'intéresse le plus : je préfère en venir à ce que ce débat dit des représentations des uns et des autres de ce qu'est la science.

L'argument des "méthodologistes" est dire que, Raoult n'ayant pas procédé à une étude randomisée en double aveugle, il ne prouve rien. Rien. L'argument est sidérant, de réduction de la capacité de preuve à une méthode randomisée en double aveugle. D'abord, ces études randomisées en double aveugle ne sont pas une garantie de certitude. Il est là aussi assez facile de rappeler les errements de ce genre de pratiques qui apaiseraient pourtant les "méthodologistes". Faisons-le rapidement : ces études ont beau être randomisées en double aveugle, elles ont un niveau de confiance généralement choisi à 95%. Cela signifie que, face à un résultat d'étude, il y a 5% de chances qu'il soit faux. Présenté comme ça, on se dit que c'est peu. Présentons-le autrement : si on fait 200 fois la même étude, 10 de ces études vont montrer un résultat contraire à celui des 190 autres. Outre cet effet de relativisation de la preuve ainsi apportée par une telle étude, cela permet aussi toutes sortes de joyeusetés ayant donné lieu à quelques scandales : il suffit d'avoir les moyens de financer un nombre x d'études, et de ne publier que celle qui donne le résultat attendu : ce n'est ni de la science-fiction ni du complotisme, c'est ce qu'a fait le laboratoire Roche pour vanter son Tamiflu lors de l'épisode H1N1. Quand un scandale scandalise trop, on "durcit" les règles du jeu, mais c'est comme pour le dopage, les tricheurs (on parle ici de milliards de dollars de profits, n'oublions pas) auront toujours potentiellement un coup d'avance.

Je veux donc ici élargir l'antagonisme des deux positions pour mieux comprendre ce sur quoi elles reposent. Cette opposition entre les "méthodologistes" et les "épistémologistes" ne se superpose d'ailleurs pas les "pro-Raoult" vs. les "anti-Raoult", j'y reviendrai.

Pour ma part, quand bien même Raoult aurait fait une étude randomisée en double aveugle, je ne tiendrais pas pour acquis, certain, validé, le fait que son traitement est 1/ efficace et 2/ pas dangereux. Ce serait un indice supplémentaire, peut-être de poids, mais pas une certitude. Je ne cherche pas à ce que le tampon VERITE SCIENTIFIQUE soit appliqué à ce que je vois, entends, pense ; et je vois dans cette attente quelque chose de tout à fait religieux et dogmatique. Je suis au contraire tout à fait disposé à laisser une place au doute, à l'incertitude, au reste-à-prouver. Ce n'est pas un hasard si les "épistémologistes" sont les "continuateurs" de Nietzsche. En sciences, ce qui est vrai ne l'est que provisoirement ; et c'est précisément parce qu'on peut réfuter une théorie scientifique qu'elle est scientifique.

C'est l'histoire d'un Grand Corbeau. En l'étirant, je vais pouvoir dire ce qu'est et ce qu'apporte la science à mes yeux. Les corvidés cachent souvent de la nourriture. Une expérience a été réalisée, montrant que le corbeau ne cache sa nourriture que s'il sait qu'il est observé par un congénère. Plus intéressant, le corbeau a été séparé d'un autre par une cloison opaque percée d'un judas : notre corbeau se met alors à cacher sa nourriture, en faisant l'hypothèse que le judas pourra permettre à un éventuel autre corbeau de l'observer (il n'adopte ce comportement que s'il a été auparavant mis dans la situation de pouvoir observer par le judas). Le corbeau ne réagit pas uniquement à une menace visible, réelle et concrète, il est capable de spéculer sur une menace potentielle et hypothétique. On trouve ici les prémisses d'une démarche scientifique.

Une démarche qu'homo sapiens a poussé beaucoup plus loin, raconte Baptiste Morizot, quand, devenu chasseurs "privés de sens", il a fallut développer des stratégies pour attraper des proies. Le rapace dans les airs a la vue perçante lui permettant de repérer ses proies de loin et de fondre dessus ; le canidé peut sentir ses proies parfois à plusieurs kilomètres et lui courir après, homo sapiens rien de tout cela. Il a donc fallu apprendre à lire l'invisible, à rendre présent l'absent, à déchiffrer les traces de passage des proies potentielles, émettre des hypothèses et les éprouver, adopter une démarche scientifique en somme, accompagnant la longue démarche de poursuite de longue durée des proies que cette stratégie demandait. En somme, il a fallu penser avec ses pieds : le processus d'hominisation s'est ainsi conduit. L'élevage remplaçant la chasse, ces compétences ont pu être allouées à d'autres tâches que le pistage : arts, mathématiques, philosophie, etc. Morizot conclue que "la dopamine serait l'hormone, non du plaisir, mais de la quête". C'est pareil, non? En tout cas pour les nietzschéens du "gai savoir".

Le gai savoir contre la Méthode :




Peut-être un "méthodologiste" verra dans cette conception une réduction, une atteinte à l'idée de la science, développée en Occident surtout de supériorité intellectuelle et rationnelle sur "la nature", du relativisme, voire du nihilisme... Je vois au contraire toute la puissance que cela apporte à une démarche critique de construction du savoir, de constater qu'elle est à l’œuvre non pas seulement au détour d'une étude randomisée en double aveugle, mais au-delà des frontières des espèces et des millénaires.

Bien. Voilà pourquoi, depuis maintenant 2 mois, je suis quasiment choqué et estomaqué de constater ces débats sur l'efficacité et/ou la dangerosité de l'hydroxychloroquine. Didier Raoult a indiqué dès le début la marche à suivre selon lui :
  1. tester le plus possible pour détecter les malades
  2. les isoler
  3. les traiter avec ce qu'on a
J'ai constaté que c'est ce qu'on fait les premiers pays touchés, en Asie, et qu'ils sont parvenus à endiguer l'épidémie (de 1 à 40 morts par million d'habitants). Et depuis deux mois, nous pouvons constater que c'est ce que n'ont pas fait les pays occidentaux et qui voient une mortalité tellement plus forte (de 100 à 400 morts par million d'habitants). A cette différence déjà colossale de mortalité, il faut ajouter les dommages collatéraux des stratégies de confinement généralisé adoptées (personnes battues, personnes âgées et/ou isolées, conséquences d'une baisse de suivi médical, stress-angoisses-dépressions et effet nocébo, conséquences sociales et économiques, ...), qui à elles seules justifiaient selon moi de tester les antiviraux existants même en-dehors de la sacro-sainte étude randomisée en double aveugle, parce que tout devait être tenté pour réduire la durée de ce confinement désastreux. A contrario, il y avait le temps de réagir en cas de toxicité imprévue de l'un des antiviraux testés ; et si on découvrait après crise que les effets observés ne sont pas supérieurs à un effet placebo, le dommage serait tout à fait relatif.

La stratégie politique n'est pas ici une question sur l'inexistence d'une étude randomisée en double aveugle sur l'hydroxychloroquine : dans quelle folie collective sommes-nous tombés? Peut-être la communication de rupture de Didier Raoult, sorte de Jacques Vergès de l'épidémiologie, a-t-elle contribué à affoler ses collègues?

Quelle est cette folie collective?




Pourtant, nous avons besoin d'une rupture. Dans le domaine scientifique, tout autant que dans les domaines médiatiques et politiques, la défiance est plus en plus forte ; et il y a une aspiration à plus de démocratie (et donc en retour, une augmentation du mépris des "élites" pour le peuple des "réseaux sociaux"). Nous sommes toujours confrontés aux mêmes problèmes. La communauté scientifique fait des bonds de cabris parce que Didier Raoult ne respecte pas la Méthode ; en revanche, nous ne voyons pas la communauté scientifique s'offusquer des conflits d'intérêts pourtant évidents entre la plupart des membres des comités scientifiques constitués et les laboratoires privés qui vendent les médicaments qui sont testés dans les études "bien comme il faut". Que M. Yazdanpanah coordonne un essai Discovery qui se propose de tester 3 protocoles (plus un 4e sous la pression, uniquement), incluant 4 médicaments développés par des laboratoires qui le rémunèrent ou l'ont rémunéré, c'est un exemple parmi beaucoup d'autres de conflit d'intérêts. Ça ne signifie pas que les médicaments en question ne sont pas bons, mais ça justifie la défiance populaire à l'égard des décisions prises. Qui ne peut le comprendre?

Deux catégories de personnes ne peuvent pas le comprendre, car elles-mêmes prises dans un filet très serré de conflits d'intérêts :
  • les journalistes, qui se considèrent comme 4e pouvoir, voire contre-pouvoir, et sont pourtant payés soit par une banque soit par un marchand d'armes 
  • les politiques, qui représentent prétendument le peuple, et qui écrivent eux-mêmes les règles du pouvoir qu'ils sont supposés respecter
Dans une démocratie digne de ce nom, il y aurait des citoyen-ne-s qui, évidemment, ne seraient pas méprisés par une "élite" dès qu'ils-elles pensent, et donnent leur avis. Le peuple est légitime à s'exprimer, d'autant plus sur une question épidémiologique : est "épidémie" ce qui arrive sur le peuple. Les canaux de la "démocratie" représentative sont bouchés, il faut bien que ça passe par ailleurs.


3/ S'occuper

Il est plus important que jamais de penser avec ses pieds, réellement au cours de la sortie quotidienne (d'une heure et dans un rayon de 1 km, ouf), et aussi par l'imagination. Voici donc quelques images des voisins rencontrés ces derniers jours, malgré tout :

Anacamptis morio subsp. picta
Moro-sphinx caché
Noyer en fleurs
Un "nocturne" pas encore identifié
Rouge-queue noir femelle
Notre chanteur préféré : Merle noir
Lézard à deux raies
Qu'on appelle aussi Lézard vert occidental
Orchis singe
Tircis