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jeudi 16 avril 2020

Le gai savoir

Des nouvelles du front? La "guerre" ne ressemble tout de même pas à la guerre, mais quelques petits mécanismes d'auto-défense ne font pas de mal, parce que nous sommes vraiment attaqués de toutes parts, et pas que par un virus.














1/ Ne pas céder à l'injonction de panique





Ce qui m'a frappé dès le début est la couverture parfaitement anxiogène de l'épidémie par les médias. On les connaît, on ne découvre pas. Mais ce n'est pas parce qu'ils font à chaque fois le même coup qu'il ne faut plus rien dire et s'habituer. Aujourd'hui encore, on entend souvent parler de crise sanitaire "sans précédent". Il y a à ce jour 134 000 morts dans le monde. La grippe dite "espagnole" a tué entre 20 et 100 millions de personnes soit jusqu'à 5% de la population mondiale de l'époque. Pour un équivalent, il faudrait que ce coronavirus tue 377 000 000 (377 millions, répétons : 377 millions) de personnes dans le monde. Est-il possible de garder un minimum de sang-froid?

Et moi, j'ai d'abord ça en tête : on reste calme, on garde raison. Je ne sais pas pour les autres, mais je vois tellement d'articles se lançant dans un concours de catastrophisme... Après avoir fait le coup de l'exponentielle ("Oh! mon Dieu, ça augmente de façon exponentielle!", sans jamais préciser qu'on ne le saura qu'à la fin, et que c'est de toute façon normal et que ça finit ensuite par redescendre), qui ne peut plus servir à rien désormais, on nous fait le coup des morts cachés. Comme le nombre de morts est certes important et quotidiennement décompté afin que tout le monde prenne peur, mais pas assez important et laissant des esprits rebelles entrer dans des comparaisons fâcheuses (d'après l'OMS, la grippe saisonnière fait jusqu'à 650 000 morts dans le monde chaque année), on va chercher des morts cachés. En Chine, c'est bien simple, ces sales chintoks communistes ont menti effrontément, certains allant jusqu'à affirmer, dans la presse, qu'ils ont caché 100 000 morts (on voit parfois des commentaires ahurissants parlant de 21 millions de morts en Chine, et pourquoi pas 21 milliards?). On ne voit toujours pas arriver ni l'ombre d'une preuve, ni l'ombre d'un décodeur du Monde ni même de Rudy Reichstadt pour s'en prendre à ces "fake news" et théorie du complot, qui s'estompent avec le temps et à mesure qu'elles perdent en crédibilité. Car toutes les accusations sans preuve et théories du complot sont possibles et même recommandées à l'encontre de la Chine. Mais surtout pas à l'encontre des pays occidentaux, évidemment. 

Ici, c'est juste qu'on mesure mal. Il faudrait multiplier par x (4, 10, 100?) le nombre de morts, parce que les gens meurent chez eux, parce qu'ils ne sont pas testés, etc. Je veux bien, car il est vrai que le nombre de test est réduit en deçà même du strict minimum. Mais pourquoi ces mêmes personnes ne font calculs et projections qu'en un seul sens, celui de la Catastrophe, et jamais dans l'autre qui pourrait balancer ce propos effrayant ? Il y a pourtant des raisons de garder son calme : 
  • le taux de mortalité de ce coronavirus semble très largement en-dessous de 1% (il est estimé à 0,5% dans le cas du bateau japonais où 700 personnes âgées ont été infectées et confinées, soit la pire configuration possible pour ces gens), et donc loin des annonces catastrophistes.
  • en Allemagne et en Corée du Sud, par exemple, on est en-dessous de 2% de décès parmi les personnes testées positives. Or, même si ces pays ont beaucoup testé, il est évident que le nombre réel de personnes infectées est beaucoup plus grand, puisqu'un grand nombre de personnes infectées ne présentent aucun symptôme (même dans le cas du bateau japonais, 18% des personnes âgées infectées ne présentaient absolument aucun symptôme)
  • les personnes qui meurent "du covid-19" sont 1/ des personnes très âgées et 2/ présentent dans l'écrasante majorité des cas : une, deux, trois pathologies complémentaires. Ces gens sont peut-être morts avec le coronavirus, mais combien sont morts du fait de leur âge et des multiples pathologies qu'ils accumulent? Nous n'avons pas encore le recul sur ces statistiques : à ce stade, je m'interroge simplement sur cette volonté de grossir la grenouille de manière systématique. A quoi ça sert, si ce n'est à faire paniquer les gens?
  • ce virus n'est donc particulièrement dangereux en lui-même, ce qui est dangereux est qu'il ne rencontre aucune barrière pour se propager puisque personne n'était immunisé. La propagation est donc effectivement dramatique pour les personnes à risque.
  • il est possible de contrôler cette propagation, et même dans un pays comme la France où la stratégie adoptée me semble parfaitement ubuesque, force est de constater que la mortalité 2020 reste un peu supérieure la mortalité 2019, mais en-dessous de celle de 2018 (où la grippe saisonnière avait été particulièrement virulente). Tout cela mérite des développements ultérieurs, mais reste conforme à ce que disent depuis le début tout ceux qui ne cèdent pas à la panique.

Je m'étonne donc de cette obsession de la catastrophe. Quelle peut bien d'ailleurs en être l'utilité? Il est utile, quand on met la main sur plaque de cuisson brûlante, de sentir une douleur qui nous pousse à retirer la main. En revanche, il n'est pas utile de laisser la main sur la plaque brûlante jusqu'à ce que mort s'ensuive. Il est utile de prendre conscience d'une menace, pas de vivre avec la peur au ventre toute sa vie.

Cette obsession de la catastrophe se double souvent d'une traque sans relâche des raisons "d'espérer". Personnellement, ce n'est pas tellement mon vocabulaire, mais admettons. Nous arrivons donc à ce qu'il faut bien appeler "l'affaire chloroquine". Je n'ai rien ni pour ni contre le Professeur Raoult, que je ne connais pas, et dont je n'entendrai plus parler au lendemain de cette crise sans la moindre émotion. Disons-le trivialement : je m'en fous. En revanche, son discours et sa démarche depuis le début de cette crise me semblent utiles. Mais je ne m'explique pas les passions qu'il génère chez les "anti-". Parlons de vocabulaire. Pas un article en effet où il ne soit question de "remède miracle", de ses "disciples", de "sauver l'humanité", de l'irresponsabilité de "donner de l'espoir aux gens". Cette surenchère lexicale met bien l'accent là où il faut. Aucune oreille ne doit dépasser, on ne doit voir que le visage de la Panique. Toute oreille dépassant est donc assimilée à un secte, une théorie du complot, ou autre taser idéologique dont disposent les médias.


2/ adopter une démarche critique de construction du savoir

L'évolution de ce qu'il faut bien appeler "L'affaire chloroquine" montre une opposition entre d'une part les "méthodologistes" et d'autre part les "épistémologistes". Il n'est pas question ici de discuter du bien-fondé du traitement hydroxychloroquine + azithromicine proposé par le professeur Raoult, d'abord parce que j'en ai pas les compétences et ensuite parce que c'est un sujet à mes yeux tout à fait secondaire. En effet, face à l'émergence d'un nouveau virus, il est évident que le développement d'un traitement ayant validé toutes les étapes des processus scientifiques les plus rigoureux demande a minima plusieurs mois de travail. Or,  ce délai passé, l'épidémie elle aussi sera passée ; et l'éventuelle validation scientifique qui arrivera alors ne sera plus d'aucune utilité à toutes les personnes ayant subi les conséquences de l'épidémie entre temps. A la question : Que fait-on?, la réponse médicale et politique ne peut dans ce cas se faire avec les "certitudes" scientifiques habituelles. Et pourtant, il  faut bien prendre une décision.

Dans ce contexte, les "méthodologistes" attaquent Raoult sur la rigueur scientifique qui lui ferait défaut, quand eux seraient les défenseurs de la Science (avec un grand S?) et de sa méthode amenant à la preuve. Il serait assez facile de leur renvoyer le boomerang, et Raoult ne s'en prive pas, puisque certains de ses critiques les plus fervents ont commis une étude sur un traitement "concurrent" d'une qualité, selon leurs propres critères pourtant, absolument consternante. Mais, ce n'est pas ce qui m'intéresse le plus : je préfère en venir à ce que ce débat dit des représentations des uns et des autres de ce qu'est la science.

L'argument des "méthodologistes" est dire que, Raoult n'ayant pas procédé à une étude randomisée en double aveugle, il ne prouve rien. Rien. L'argument est sidérant, de réduction de la capacité de preuve à une méthode randomisée en double aveugle. D'abord, ces études randomisées en double aveugle ne sont pas une garantie de certitude. Il est là aussi assez facile de rappeler les errements de ce genre de pratiques qui apaiseraient pourtant les "méthodologistes". Faisons-le rapidement : ces études ont beau être randomisées en double aveugle, elles ont un niveau de confiance généralement choisi à 95%. Cela signifie que, face à un résultat d'étude, il y a 5% de chances qu'il soit faux. Présenté comme ça, on se dit que c'est peu. Présentons-le autrement : si on fait 200 fois la même étude, 10 de ces études vont montrer un résultat contraire à celui des 190 autres. Outre cet effet de relativisation de la preuve ainsi apportée par une telle étude, cela permet aussi toutes sortes de joyeusetés ayant donné lieu à quelques scandales : il suffit d'avoir les moyens de financer un nombre x d'études, et de ne publier que celle qui donne le résultat attendu : ce n'est ni de la science-fiction ni du complotisme, c'est ce qu'a fait le laboratoire Roche pour vanter son Tamiflu lors de l'épisode H1N1. Quand un scandale scandalise trop, on "durcit" les règles du jeu, mais c'est comme pour le dopage, les tricheurs (on parle ici de milliards de dollars de profits, n'oublions pas) auront toujours potentiellement un coup d'avance.

Je veux donc ici élargir l'antagonisme des deux positions pour mieux comprendre ce sur quoi elles reposent. Cette opposition entre les "méthodologistes" et les "épistémologistes" ne se superpose d'ailleurs pas les "pro-Raoult" vs. les "anti-Raoult", j'y reviendrai.

Pour ma part, quand bien même Raoult aurait fait une étude randomisée en double aveugle, je ne tiendrais pas pour acquis, certain, validé, le fait que son traitement est 1/ efficace et 2/ pas dangereux. Ce serait un indice supplémentaire, peut-être de poids, mais pas une certitude. Je ne cherche pas à ce que le tampon VERITE SCIENTIFIQUE soit appliqué à ce que je vois, entends, pense ; et je vois dans cette attente quelque chose de tout à fait religieux et dogmatique. Je suis au contraire tout à fait disposé à laisser une place au doute, à l'incertitude, au reste-à-prouver. Ce n'est pas un hasard si les "épistémologistes" sont les "continuateurs" de Nietzsche. En sciences, ce qui est vrai ne l'est que provisoirement ; et c'est précisément parce qu'on peut réfuter une théorie scientifique qu'elle est scientifique.

C'est l'histoire d'un Grand Corbeau. En l'étirant, je vais pouvoir dire ce qu'est et ce qu'apporte la science à mes yeux. Les corvidés cachent souvent de la nourriture. Une expérience a été réalisée, montrant que le corbeau ne cache sa nourriture que s'il sait qu'il est observé par un congénère. Plus intéressant, le corbeau a été séparé d'un autre par une cloison opaque percée d'un judas : notre corbeau se met alors à cacher sa nourriture, en faisant l'hypothèse que le judas pourra permettre à un éventuel autre corbeau de l'observer (il n'adopte ce comportement que s'il a été auparavant mis dans la situation de pouvoir observer par le judas). Le corbeau ne réagit pas uniquement à une menace visible, réelle et concrète, il est capable de spéculer sur une menace potentielle et hypothétique. On trouve ici les prémisses d'une démarche scientifique.

Une démarche qu'homo sapiens a poussé beaucoup plus loin, raconte Baptiste Morizot, quand, devenu chasseurs "privés de sens", il a fallut développer des stratégies pour attraper des proies. Le rapace dans les airs a la vue perçante lui permettant de repérer ses proies de loin et de fondre dessus ; le canidé peut sentir ses proies parfois à plusieurs kilomètres et lui courir après, homo sapiens rien de tout cela. Il a donc fallu apprendre à lire l'invisible, à rendre présent l'absent, à déchiffrer les traces de passage des proies potentielles, émettre des hypothèses et les éprouver, adopter une démarche scientifique en somme, accompagnant la longue démarche de poursuite de longue durée des proies que cette stratégie demandait. En somme, il a fallu penser avec ses pieds : le processus d'hominisation s'est ainsi conduit. L'élevage remplaçant la chasse, ces compétences ont pu être allouées à d'autres tâches que le pistage : arts, mathématiques, philosophie, etc. Morizot conclue que "la dopamine serait l'hormone, non du plaisir, mais de la quête". C'est pareil, non? En tout cas pour les nietzschéens du "gai savoir".

Le gai savoir contre la Méthode :




Peut-être un "méthodologiste" verra dans cette conception une réduction, une atteinte à l'idée de la science, développée en Occident surtout de supériorité intellectuelle et rationnelle sur "la nature", du relativisme, voire du nihilisme... Je vois au contraire toute la puissance que cela apporte à une démarche critique de construction du savoir, de constater qu'elle est à l’œuvre non pas seulement au détour d'une étude randomisée en double aveugle, mais au-delà des frontières des espèces et des millénaires.

Bien. Voilà pourquoi, depuis maintenant 2 mois, je suis quasiment choqué et estomaqué de constater ces débats sur l'efficacité et/ou la dangerosité de l'hydroxychloroquine. Didier Raoult a indiqué dès le début la marche à suivre selon lui :
  1. tester le plus possible pour détecter les malades
  2. les isoler
  3. les traiter avec ce qu'on a
J'ai constaté que c'est ce qu'on fait les premiers pays touchés, en Asie, et qu'ils sont parvenus à endiguer l'épidémie (de 1 à 40 morts par million d'habitants). Et depuis deux mois, nous pouvons constater que c'est ce que n'ont pas fait les pays occidentaux et qui voient une mortalité tellement plus forte (de 100 à 400 morts par million d'habitants). A cette différence déjà colossale de mortalité, il faut ajouter les dommages collatéraux des stratégies de confinement généralisé adoptées (personnes battues, personnes âgées et/ou isolées, conséquences d'une baisse de suivi médical, stress-angoisses-dépressions et effet nocébo, conséquences sociales et économiques, ...), qui à elles seules justifiaient selon moi de tester les antiviraux existants même en-dehors de la sacro-sainte étude randomisée en double aveugle, parce que tout devait être tenté pour réduire la durée de ce confinement désastreux. A contrario, il y avait le temps de réagir en cas de toxicité imprévue de l'un des antiviraux testés ; et si on découvrait après crise que les effets observés ne sont pas supérieurs à un effet placebo, le dommage serait tout à fait relatif.

La stratégie politique n'est pas ici une question sur l'inexistence d'une étude randomisée en double aveugle sur l'hydroxychloroquine : dans quelle folie collective sommes-nous tombés? Peut-être la communication de rupture de Didier Raoult, sorte de Jacques Vergès de l'épidémiologie, a-t-elle contribué à affoler ses collègues?

Quelle est cette folie collective?




Pourtant, nous avons besoin d'une rupture. Dans le domaine scientifique, tout autant que dans les domaines médiatiques et politiques, la défiance est plus en plus forte ; et il y a une aspiration à plus de démocratie (et donc en retour, une augmentation du mépris des "élites" pour le peuple des "réseaux sociaux"). Nous sommes toujours confrontés aux mêmes problèmes. La communauté scientifique fait des bonds de cabris parce que Didier Raoult ne respecte pas la Méthode ; en revanche, nous ne voyons pas la communauté scientifique s'offusquer des conflits d'intérêts pourtant évidents entre la plupart des membres des comités scientifiques constitués et les laboratoires privés qui vendent les médicaments qui sont testés dans les études "bien comme il faut". Que M. Yazdanpanah coordonne un essai Discovery qui se propose de tester 3 protocoles (plus un 4e sous la pression, uniquement), incluant 4 médicaments développés par des laboratoires qui le rémunèrent ou l'ont rémunéré, c'est un exemple parmi beaucoup d'autres de conflit d'intérêts. Ça ne signifie pas que les médicaments en question ne sont pas bons, mais ça justifie la défiance populaire à l'égard des décisions prises. Qui ne peut le comprendre?

Deux catégories de personnes ne peuvent pas le comprendre, car elles-mêmes prises dans un filet très serré de conflits d'intérêts :
  • les journalistes, qui se considèrent comme 4e pouvoir, voire contre-pouvoir, et sont pourtant payés soit par une banque soit par un marchand d'armes 
  • les politiques, qui représentent prétendument le peuple, et qui écrivent eux-mêmes les règles du pouvoir qu'ils sont supposés respecter
Dans une démocratie digne de ce nom, il y aurait des citoyen-ne-s qui, évidemment, ne seraient pas méprisés par une "élite" dès qu'ils-elles pensent, et donnent leur avis. Le peuple est légitime à s'exprimer, d'autant plus sur une question épidémiologique : est "épidémie" ce qui arrive sur le peuple. Les canaux de la "démocratie" représentative sont bouchés, il faut bien que ça passe par ailleurs.


3/ S'occuper

Il est plus important que jamais de penser avec ses pieds, réellement au cours de la sortie quotidienne (d'une heure et dans un rayon de 1 km, ouf), et aussi par l'imagination. Voici donc quelques images des voisins rencontrés ces derniers jours, malgré tout :

Anacamptis morio subsp. picta
Moro-sphinx caché
Noyer en fleurs
Un "nocturne" pas encore identifié
Rouge-queue noir femelle
Notre chanteur préféré : Merle noir
Lézard à deux raies
Qu'on appelle aussi Lézard vert occidental
Orchis singe
Tircis

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