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samedi 21 mars 2020

Bouffonneries

Orchis bouffon une autre année
Lors de ma petite sortie quotidienne (d'un kilomètre ou deux, rassurez-vous ; mais je n'avais pas mon auto-autorisation signée), j'ai pu constater que les Orchis bouffons n'étaient pas encore de sortie (j'en ai vu quelques photos traîner ces derniers jours, alors ça se tentait). En revanche, la bouffonnerie elle est bien de sortie. On peut lire dans la presse une bonne nouvelle : jamais Macron n'a été aussi populaire à 51% d'opinions favorables. Je ne sais pas quelles populations de coronavirus ils sont allés sonder, mais c'est extraordinaire. Enfin passons. Nous sommes comme des lions en cage, mais enfin il y a pire. 



Tout de même, on pense avec les pieds et on tourne en rond.




C'est vrai que la gestion de cette crise est en tout point remarquable.



Savoir raison garder
Le discours produit depuis des mois est parfaitement anxiogène : on agite la peur et on ne fait rien. Pour remettre les choses à leurs places, les maladies respiratoires ont tué 2,6 millions de personnes dans le monde en 2019, selon le Pr RAOULT. On en est à 10 000 morts dans le monde par le Covid-19. Même en multipliant ce nombre par 10, et en admettant qu'aucun de ces morts ne serait mort de l'un des 19 autres virus respiratoires en circulation (ce qui me semble pour le moins improbable) on atteindrait environ 3% de mortalité de plus qu'une année normale. C'est évidemment dramatique, mais comment les médias pourraient-ils couvrir ces 2,6 millions de morts proportionnellement à ce qu'ils font pour le Covid-19 ? C'est impossible.

Oh la belle exponentielle
On nous bassine par ailleurs avec des prévisions, qui utilisent systématiquement le terme "exponentielle", qui en lui-même fait déjà peur à tout le monde (c'est des maths), et qui permet d'aboutir à des nombres de morts effrayants improbables, et bientôt pourquoi pas supérieurs au nombre des vivants. L'avantage, si on veut faire peur, c'est qu'on peut facilement instiller ce genre de courbe ci-contre dans la tête des gens : c'est vertigineux comme ça monte vite, et surtout ça ne redescend jamais. Or, ce n'est pas la réalité, d'abord parce qu'on ne sait apparemment généralement qu'à la fin si la phase de croissance de l'épidémie était exponentielle ou linéaire, et ensuite parce que la courbe finit par prendre la forme d'une cloche et redescendre. Mais, à lire et entendre "exponentielle" toute la journée, tout le monde flippe. De la à se ruer dans les magasins ou se jeter sur le premier médicament qui tombe...



M. Pierre-Yves BOELLE présente dans un article la dynamique des épidémies, et l'utilisation du modèle S-I-R. Nous le public, sommes-nous capables de comprendre ça ? Je le crois. Mais allez trouver ne serait-ce qu'une tentative de médiation sur ce sujet.

Face à une maladie, on peut :
  • S : être Susceptible de la contracter
  • I : être Infecté
  • R : être Retiré (guéri, isolé, décédé)
Tout se joue donc dans les relations entre S et I, et la probabilité pour I d'infecter S. Les paramètres qui entrent en jeu sont le taux de contact, la probabilité de transmission, et la durée de la phase infectieuse, qui définissent un taux de reproduction de la maladie R0. Et là, c'est assez simple :
  • Si R0 > 1, chaque infecté contamine plus d'un susceptible et la maladie se répand
  • Si R0 < 1, chaque infecté contamine moins d'un susceptible, et la maladie se rétracte

Si on ne faisait rien pour juguler l'épidémie, on arriverait plus ou moins rapidement à 50% de la population infectée, et à ce stade, l'épidémie commencerait à diminuer pour s'éteindre quand 75% de la population est infectée. Pour la France, 75% de 70 millions d'habitants, ça donne 52,5 millions de personnes infectées. Comme il semble que 2% des personnes infectées par le Covid-19 meurent (sauf en Italie), cette stratégie pourrait causer la mort d'environ 1 million de personnes. Donc, c'est la catastrophe.

Le chiffre de 2% paraîtra peut-être un peu faible au regard de ce qui est annoncé selon les pays (3-4%) ; et aussi parce qu'en cas d'emballement, le système hospitalier peut être dépassé et ajouter un surcroît de mortalité. Mais il est certainement au contraire largement surestimé : selon les estimations, et puisque le dépistage massif n'est pas du tout à l'ordre du jour, il faut multiplier par 30 à 100 le nombre de cas déterminés pour avoir le nombre de cas réels. Prenons l'hypothèse basse et multiplions le nombre de cas déterminés par 30, on tombe à un taux de mortalité de moins de 0,1%, et donc un peu moins de 50 000 morts. Et on passe à un prévisionnel à 10 000 morts si on accepte l'hypothèse haute à savoir que pour 1 cas déterminé il existe 100 cas réels. Ce n'est déjà pas la même chanson, et répétons-le : c'est un total de morts si on ne fait rien.


Mais, on (devrait plus agir) agit sur les paramètres du taux de Reproduction R0. J'ai trouvé (mais ne remets hélas pas la main sur la source pour le moment) un simulateur intéressant (censuré lui aussi sur Facebook?). J'en ai donc refait un que je partage ici, en me basant sur les souvenirs que j'ai des chiffres qu'il avait adopté (si quelqu'un retrouve le simulateur original, je serais ravi de pouvoir rendre ici à César ce qui etc.). Il permet de voir comment l'action sur l'un des trois paramètres peut réduire de manière considérable par des effets de seuils, le nombre de victimes. Il n'a pas vocation à être exact (bien au contraire), simplement pédagogique sur l'importance de ces leviers qu'on peut actionner. Dans la configuration choisie, il prévoit 1728 morts à 3 mois.
  • Réduisons simplement le nombre de contacts de 25 à 15, et on tombe à 247 morts
  • Ou, diminuons la probabilité de transmission à 0,1% et on passe à 162 morts
  • Ou, au contraire, augmentons le nombre de contacts de 25 à 45 et on arrive à 787 000 morts

Ce genre de manipulation des modèles épidémiologiques, simple, est certainement plus persuasif que la communication qui nous est offerte, en tout cas c'est mon avis.


Jouer sur les facteurs
  • Réduire la probabilité de transmission, avec les "gestes barrière", les masques, se laver les mains, etc. Pas besoin de trop s'attarder là-dessus je pense. Quoique... comment se fait-il que nous connaissions une pénurie de masques, par exemple, alors que nous avions un large coup d'avance par rapport à la Chine où l'épidémie s'est déclenchée, et que nous étions supposés "être prêts" ?
  • Réduire les possibilités de contact : ça repose d'abord sur l'isolation des cas, et donc sur le diagnostic. Il faut tester massivement, et c'est ce qu'a fait par exemple la Corée du Sud, qui est parvenue à maîtriser l'épidémie à la stupéfaction générale sans qu'aucune leçon n'en ait été tirée. D'ailleurs, personne ne semble vraiment s'y intéresser. Bien évidemment, plus tôt on prend le problème en main, plus il est facile à gérer. Au-delà d'une certaine dispersion, il devient illusoire d'isoler les seuls cas, et on se retrouve à devoir confiner toute la population. Mais, il fallait manifestement aller au théâtre ou aller voter.
  • Mais on peut aussi jouer sur la durée de la phase infectieuse. Il est bien évident que si on peut transmettre le virus pendant 20 jours, le problème n'est pas le même que si on ne peut le transmettre que pendant 4 jours. (Essayez dans le simulateur, on passe de 1728 à 127 morts). Or, il y a semble-t-il une possibilité avec l'utilisation de la chloroquine.

Passons un peu de temps là-dessus. Le 17 février dernier, Zhong Nanshan, a partagé l'expérience chinoise lors d'une conférence de presse. Il a notamment précisé que l'utilisation de la chloroquine permettait chez de nombreux patients de les voir passer non porteurs du virus au bout de 4 à 5 jours. On est bien d'accord que les médias français parlent du sujet toute la journée? Pas un média français n'a repris cette information. Rien ne vient de l'expérience de la Corée du Sud, rien ne vient non plus de l'expérience chinoise. On n'a entendu parler de la Chine que quand les médias ont pu nous raconter que les Chinois pensaient que le virus avait été amené en Chine par les USA : car les Chinois, en plus d'être Chinois et communistes, sont complotistes. Je ne sais pas quelle est la part d'incompétence là-dedans, mais l'autre part est certainement du racisme.


Au 17 février, sauf erreur de ma part, il n'y avait eu en France que 11 cas épars et ciblés sans emballement épidémique. Ces informations étaient donc disponibles, et même avant de constituer un comité scientifique, les décideurs devaient être capables de comprendre ce qui m'a coûté quelques clics pour découvrir l'article notamment de M. BOELLE. Le Pr RAOULT publiait une vidéo où il exhortait déjà à tester, tester, tester, isoler les cas et traiter. Il faudra bien expliquer pourquoi on a eu cette mascarade de communication à la place, qui perdure encore, d'ailleurs. Chérubin appelle Caligula! On aime quand un plan se déroule sans accroc. Chérubin appelle Caligula!




On s'offre un petit bonus ? Quel est le coût de la stratégie de la Corée du Sud pour juguler l'épidémie ? Quel sera le coût de la stratégie, si on peut parler de stratégie, française ? Sur un plan strictement financier, je serais très étonné que la stratégie française coûte moins de 1000 fois plus cher que la coréenne... Et c'est sans compter évidemment toutes les incidences non (ou indirectement) économiques... On peut donc s'attendre à un retour de bâton très féroce d'un point de vue social, et c'est quelque chose qui tue aussi beaucoup. Ah, vraiment, je serais bien curieux de savoir où L'express a trouvé ces 51% !

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