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dimanche 13 mai 2018

Vallon de Pratcel - embuscade de chamois


Il doit, enfin, faire beau. Mmouais... c'est pas flamboyant. Je décide malgré tout de partir pour les Varvats, en me disant que ce n'est qu'une nappe de stratus après tout, et que je pourrai peut-être, si Dieu le veut et pâquerettes s'y mettent, passer au-dessus, en tout cas au raz, de marée ou des pâquerettes.

Pré de Pratcel

Douche de lumière

8h10, déjà une voiture. Je rattraperai ce passionné de photo animalière dans la montée, avant de le croiser et recroiser au cours de la journée. On discute de nos amis chasseurs et pan !... je file vers le Pré de Pratcel. Y arriver juste à la dissipation des brumes a un côté vraiment magique. Je m'y attarde, mais il est temps aussi de remonter le vallon de Pratcel.

Vallon de Pratcel

Vallon de Pratcel

Il est magnifiquement encaissé, on pourrait croire qu'on va tomber dans une embuscade, se faire attaquer par les indiens (et ce sera le cas), la lumière matinale le bonifie, et les marmottes gambadent à tort et à travers. Je remonte aussi lentement que possible ce vallon pour déranger le moins possible les habitants. Par-delà un névé, je surprends une famille en pleine dispute.

Arrivée à la Croix de l'Alpe
Vers Belledonne


Et finalement, me voilà à quelques pas de la Croix de l'Alpe. Je me dis qu'il reste certainement une partie du stratus, alors je vais voir, et en effet : jolie mer de nuages sur le Grésivaudan qui a commencé à se dissiper. Pique-nique sur la crête.

Croix au-dessus de la mer de nuages
Table de pique-nique

Je retourne vite vers le vallon. Au niveau flore : tapis de crocus, soldanelles, pensées, gentianes, et quelques gagées. Avant de plonger, je prends les falaises nord : chamois et marmottes s'y reposent.




Je les laisse. L'accès au pas de l'échelle est encore bien enneigé, et de toute façon, je préfère retourner dans le vallon. Je m'y pose, observant les marmottes. Alors que je plie bagage et m'apprête à rentrer, un gros bruit de dérapage dans la neige survient. Sifflements ! Deux chamois se sont lancés dans une course poursuite. D'après les témoins, tout a commencé quand l'un des deux a dit à l'autre : « donne-moi ton pétrole ». Refus catégorique de l'autre, l'un invoqua la Démocratie, les Droits du Chamois, la convention de l'Alpette, et entreprit derechef de bouter ce barbare, qui, il faut bien le dire, n'avait pas l'air bien catholique. On voit par cette histoire que les chamois ne sont pas aussi civilisés que nous.

Première charge
Premier arrêt : bizarre ce gugusse
Deuxième charge : je m'en vais te le bouter
Deuxième arrêt : si je prends la tangente en sifflotant ça peut passer
Troisième charge : banzaï!

Racontons. Ils dévalent la falaise. L'autre, fourbe (je vous avais bien dit qu'il n'était pas très catholique), la longe et la remonte quelques mètres plus loin. L'un, penaud, le cherche. L'autre, remonté, siffle. Trois fois. Le train devait repartir. L'un finit par remonter, mais ne retrouve pas l'autre. Alors l'un descend à nouveau. Comme un fou. Et me voit. Et me fonce dessus. Cependant, pour un chamois, je dois avoir l'air non pas seulement « pas très catholique », mais carrément « sale bougnoule ». Alors l'un s'arrête, me dévisage, mais reprend ventre à terre, la moitié du temps, car l'autre moitié c'est la neige au sol. Il s'arrête, l'un, car il se rend bien compte qu'il y a un os, hélas ! Entêté comme pas un, l'un reprend encore, me chargeant violemment.

Troisième arrêt : mais pourquoi ne s'enfuit-il pas?
Une tête de vainqueur...
... qui bat en retraite

Moi, je le mitraille, comme un chasseur avec une gallinette cendrée qu'il vient de sortir de sa cage, et je ne vois plus que sa tête dans mon appareil. Il s'est arrêté à 15m à peine. L'un me fixe, me tire la langue - et alors est-ce que ce sont des manières ? - me dévisage, et comprend sa méprise. « Par la barbe du Prophète ! » C'est ce que je l'entends marmonner, quand l'un décide de battre en retraite, me toisant une dernière fois tout de même, après s'être abrité derrière un rocher. Finalement, il remonte la falaise où l'autre l'attendait, et ils repartent, sifflant à tire-larigot dans les falaises.

Dernier regard
Et je repars jouer avec un vrai chamois

Qu'étais-je donc supposé faire dans l'esprit de cet ahuri ? Fuir devant sa menace ? Baptiste Morizot raconte dans son livre (La piste animale) comment un guide, chargé par un éléphant, un hippopotame ou un bernard-henri-lévy, je ne sais plus mais en tout cas un gros balourd qui ne fait pas dans la dentelle, avait pu le stopper net, en restant calme face à lui. C'est qu'il s'est retrouvé tout penaud, l'un, ne me voyant pas fuir. Aussi con qu'un ordinateur détraqué par un insecte. Bon.

Sentinelle du poste-frontière n°34 en plein travail
Un petit pinson des arbres

Ces chamois sont tout de même de drôles de gens, hein...

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