Le
Granier enfin ! Depuis le début de l'année ce ne sont qu'interdictions
et empêchements ; pas aujourd'hui. Petit souci matériel pourtant, au
sortir de Chapareillan avec une camionnette qui profite du
rétrécissement de la route pour me casser mon rétroviseur. Et bam ! La
journée commence bien.
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Bouquetin |
Me
voilà malgré tout aux Plagnes vers 8h30, prêt à y aller, mollo
l'asticot. Je pense en arrière, autant dire que je pense dans le rétroviseur.
Et ça bougonne et ça bougonne. Impossible de ne pas regarder ce passé. Il est
pourtant cassé, on ne voit plus rien dedans !...
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Chamois pas contents |
Je
monte, tout seul, pas même un écureuil pour gambader ici ni là, et voici l'Alpette.
Tiens, si je prenais pied au pied de la falaise, plutôt que suivre le sentier
balisé ? Je vais au Pas des Barres : je n'ai malheureusement aucune
idée de la praticabilité de cet itinéraire improvisé. Je tombe assez rapidement
sur une sorte de sangle, mais plus rapidement encore sur une troupe de chamois
que je dérange bien involontairement. Au lieu de discuter pour savoir où je
souhaite aller, ils s'enfuient dans la direction que je dois prendre.
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Mer de nuages, au pied des falaises |
C'est
que je ne suis pas que moi. Je suis aussi beaucoup d'autres. Et les chamois
reconnaissent en moi plutôt les autres que moi. C'est con. Chassés (pas
eux ! leurs confrères) depuis la nuit des temps par les bipèdes (mes
confrères ! pas moi), ils agissent comme il se doit. Nonobstant mon
intention qui n'était certes pas de les zigouiller. Finalement, ils sont assez
identitaires les chamois. Ils seraient du genre à flinguer un musulman en étant
convaincus qu'il préparait un sanglant attentat. Ils savent pas les chamois que
j'ai autant de molécules de chamois en moi qu'ils ont de molécules de bipèdes
ou de pissenlit en eux, bref qu'on n'est pas ce qu'on est tant qu'on ne l'est
pas devenu. Aucun de ces zouaves n'a lu Nietzsche ni écouté les
chroniques de Nicole Ferroni.
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Sur le "sangle" |
C'est
désespérant, mais les bouquetins ne font pas mieux. En voilà justement
un, perché dans les falaises, qui observe la scène. C'est la première fois que
j'observe un bouquetin en Chartreuse, je ne les y avait encore pas croisés.
D'ici, je serais bien incapable de donner son nom, mais le connaît-il
seulement ? Toujours est-il qu'en passant sous lui, le bougre envoie de la
caillasse. Comme tant de bouquetins avant lui ! Aucune recherche
d'originalité, rien. C'est désolant.
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Arrivée sur le plateau |
Je
poursuis donc sur mon petit sangle, la vue s'étire sur la combe de
Savoie majestueusement recouverte d'une mer de nuage, et tout aussi
majestueusement surplombée par le Mont Blanc. L'espace des déambulations non
risquées se rétrécit pourtant. Je ne risque pas de croiser une camionnette, et
je n'ai de toute façon plus de rétroviseur, mais je commence à me demander s'il
est bien raisonnable de continuer. Je ne suis certainement plus très loin du
Pas des Barres, mais je ne le vois pas, et je ne sais pas plus que tout à
l'heure si je pourrai y accéder par là.
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La Croix du Granier, appelée à s'écrouler un jour ou l'autre |
N'ayant
aucune motivation à me retrouver subitement 30m plus bas, je décide de faire
demi-tour, très proche du Pas des Barres comme je le constaterai en y
prenant pied et main, mais le final de ce sangle ne me mettait pas en
confiance.
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Les stratus se désintègrent |
Donc,
les Barres. Pas si facile que ça ! Au-dessus des marches notamment,
faut tirer sur les bras... Avant d'y monter, j'ai estimé que je serai capable
de le désescalader. Mais... pas évident évident... Par la suite, quelques
petits pas d'escalade encore, plus faciles et moins exposés, mais qui seraient
encore rédhibitoires pour pas mal de monde. Et puis on débouche sur le plateau,
dont toute la partie ombragée est encore enneigée.
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Au-dessus des barres |
Verglacée,
même. Je sors les crampons du sac, qui me facilitent bien la vie : c'est
plus du confort qu'une vraie nécessité. Et me voilà au croisement avec la
sentier de la Balme à Colon. Je file jusqu'au sommet, en observant les
chamois qui déjeunent déjà. Ils sont partout. Et tranquilles. Tiens, j'ai
perdu 2/3 d'un bâton...
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Petite fenêtre sur le Pinet |
Du
sommet, je jette un œil à la Croix, qui est dans la zone interdite
d'accès. Et je me terre dans un trou pour pique-niquer à l'abri du vent mais au
Soleil. Je prends la descente, et croise un randonneur qui m'indique où il a vu
mes 2/3 de bâton : parfait ! Mais, malgré ma vigilance, je ne les
retrouve pas. Un autre les aura certainement pris...
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Retour à l'Alpette |
Me revoilà donc au-dessus des barres, que je désescalade plus facilement
que je ne l'aurais cru, en assurant bien toutes les prises. Et je suis à deux
doigts de tomber... une fois revenu sur le sentier. Petite pause, et retour
tranquille vers l'Alpette où une courte sieste au Soleil s'impose. Les gentianes
sont toujours là ! La neige toujours pas tombée.
Allez,
dégringolade jusqu'aux Plagnes, régler ces problèmes matériels de
rétroviseur.