Il doit, enfin, faire beau. Mmouais... c'est pas flamboyant.
Je décide malgré tout de partir pour les Varvats, en me disant que ce n'est
qu'une nappe de stratus après tout, et que je pourrai peut-être, si Dieu le
veut et pâquerettes s'y mettent, passer au-dessus, en tout cas au raz, de marée
ou des pâquerettes.
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Pré de Pratcel |
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Douche de lumière |
8h10, déjà une voiture. Je rattraperai ce passionné de photo
animalière dans la montée, avant de le croiser et recroiser au cours de la
journée. On discute de nos amis chasseurs et pan !... je file vers le Pré
de Pratcel. Y arriver juste à la dissipation des brumes a un côté vraiment
magique. Je m'y attarde, mais il est temps aussi de remonter le vallon de
Pratcel.
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Vallon de Pratcel |
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Vallon de Pratcel |
Il est magnifiquement encaissé, on pourrait croire qu'on va tomber dans une embuscade, se faire attaquer par les indiens (et ce sera le cas), la lumière matinale le
bonifie, et les marmottes gambadent à tort et à travers. Je remonte aussi
lentement que possible ce vallon pour déranger le moins possible les habitants.
Par-delà un névé, je surprends une famille en pleine dispute.
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Arrivée à la Croix de l'Alpe |
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Vers Belledonne |
Et finalement, me voilà à quelques pas de la Croix de l'Alpe.
Je me dis qu'il reste certainement une partie du stratus, alors je vais voir,
et en effet : jolie mer de nuages sur le Grésivaudan qui a commencé à se
dissiper. Pique-nique sur la crête.
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Croix au-dessus de la mer de nuages |
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Table de pique-nique |
Je retourne vite vers le vallon. Au niveau flore : tapis
de crocus, soldanelles, pensées, gentianes, et quelques gagées. Avant de
plonger, je prends les falaises nord : chamois et marmottes s'y reposent.
Je les laisse. L'accès au pas de l'échelle est encore bien
enneigé, et de toute façon, je préfère retourner dans le vallon. Je m'y pose,
observant les marmottes. Alors que je plie bagage et m'apprête à rentrer, un
gros bruit de dérapage dans la neige survient. Sifflements ! Deux chamois
se sont lancés dans une course poursuite. D'après les témoins, tout a commencé
quand l'un des deux a dit à l'autre : « donne-moi ton pétrole ».
Refus catégorique de l'autre, l'un invoqua la Démocratie, les Droits du
Chamois, la convention de l'Alpette, et entreprit derechef de bouter ce
barbare, qui, il faut bien le dire, n'avait pas l'air bien catholique. On voit
par cette histoire que les chamois ne sont pas aussi civilisés que nous.
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Première charge |
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Premier arrêt : bizarre ce gugusse |
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Deuxième charge : je m'en vais te le bouter |
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Deuxième arrêt : si je prends la tangente en sifflotant ça peut passer |
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Troisième charge : banzaï! |
Racontons. Ils dévalent la falaise. L'autre, fourbe (je vous
avais bien dit qu'il n'était pas très catholique), la longe et la remonte
quelques mètres plus loin. L'un, penaud, le cherche. L'autre, remonté, siffle.
Trois fois. Le train devait repartir. L'un finit par remonter, mais ne retrouve
pas l'autre. Alors l'un descend à nouveau. Comme un fou. Et me voit. Et me
fonce dessus. Cependant, pour un chamois, je dois avoir l'air non pas seulement
« pas très catholique », mais carrément « sale bougnoule ».
Alors l'un s'arrête, me dévisage, mais reprend ventre à terre, la moitié du
temps, car l'autre moitié c'est la neige au sol. Il s'arrête, l'un, car il se
rend bien compte qu'il y a un os, hélas ! Entêté comme pas un, l'un
reprend encore, me chargeant violemment.
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Troisième arrêt : mais pourquoi ne s'enfuit-il pas? |
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Une tête de vainqueur... |
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... qui bat en retraite |
Moi, je le mitraille, comme un chasseur avec une gallinette
cendrée qu'il vient de sortir de sa cage, et je ne vois plus que sa tête dans
mon appareil. Il s'est arrêté à 15m à peine. L'un me fixe, me tire la langue -
et alors est-ce que ce sont des manières ? - me dévisage, et comprend sa
méprise. « Par la barbe du Prophète ! » C'est ce que je
l'entends marmonner, quand l'un décide de battre en retraite, me toisant une
dernière fois tout de même, après s'être abrité derrière un rocher. Finalement,
il remonte la falaise où l'autre l'attendait, et ils repartent, sifflant à
tire-larigot dans les falaises.
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Dernier regard |
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Et je repars jouer avec un vrai chamois |
Qu'étais-je donc supposé faire dans l'esprit de cet
ahuri ? Fuir devant sa menace ? Baptiste Morizot raconte dans son
livre (La piste animale) comment un guide, chargé par un éléphant, un
hippopotame ou un bernard-henri-lévy, je ne sais plus mais en tout cas un gros
balourd qui ne fait pas dans la dentelle, avait pu le stopper net, en restant
calme face à lui. C'est qu'il s'est retrouvé tout penaud, l'un, ne me voyant
pas fuir. Aussi con qu'un ordinateur détraqué par un insecte. Bon.
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Sentinelle du poste-frontière n°34 en plein travail |
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Un petit pinson des arbres |
Ces chamois sont tout de même de drôles de gens, hein...